Ils figuraient « depuis des années » sur la liste des terroristes connus ou suspectés du gouvernement américain. Un responsable du renseignement américain a assuré jeudi au New York Times que Saïd et Cherif Kouachi, 34 et 32 ans, étaient identifiés depuis longtemps par les États-Unis comme de possibles djihadistes. Par conséquent, ils étaient inscrits sur la no fly list américaine, leur interdisant de prendre l’avion depuis ou en direction du sol américain.
Le quotidien, tout comme la chaîne de télévision NBC, affirme par ailleurs que Saïd Kouachi a passé plusieurs mois au Yémen en 2011, pour s'entraîner au maniement des armes. La formation pourrait avoir été dispensée par un membre d'Al-Qaïda dans le pays.
Ces informations émergent alors que les deux hommes recherchés pour l'attentat à Charlie Hebdo sont toujours introuvables. La nuit de recherche, dans une zone boisée à cheval entre l'Aisne et l'Oise, à 80 km au nord-est de Paris, n'a rien donné, malgré les centaines de membres de forces de l'ordre présents sur place, et le survol de la région par des hélicoptères durant la nuit. Selon les autorités, Saïd Kouachi a été « formellement reconnu » comme un « agresseur » ayant participé à l’attaque qui a fait douze morts, dont deux policiers mercredi matin.
La police a diffusé mercredi 7 janvier au soir les avis de recherche des deux suspects. Un troisième suspect s'est rendu dans la nuit au commissariat de Charleville-Mézières, dans les Ardennes. Il s'agit d'un homme de 18 ans. Soupçonné d’avoir aidé les deux tireurs, il s’est rendu « après avoir vu que son nom circulait sur les réseaux sociaux », a expliqué à l’AFP une source proche du dossier. Il s'agirait du beau-frère d'un des deux autres suspects. Il a été mis hors de cause dans la matinée.
Cherif Kouachi avait été condamné, en 2008, dans l'affaire de la filière irakienne du XIXe arrondissement, à trois ans d'emprisonnement, dont 18 mois avec sursis. Il avait été interpellé peu avant de se rendre en Irak combattre aux côtés de la branche irakienne d'Al-Qaïda contre la coalition menée par les États-Unis.
Selon des sources policières, des gardes à vue de leur entourage se déroulaient dans la nuit et des perquisitions ont d'ores et déjà eu lieu à Reims et à Charleville-Mézières.
Douze personnes ont été tuées – dix personnes présentes à Charlie Hebdo et deux policiers –, quatre ont été grièvement blessées et sept blessées plus légèrement, mercredi dans l'attaque de la rédaction de l'hebdomadaire satirique. Les dessinateurs Cabu, Charb, Wolinski, Philippe Honoré et Tignous sont morts dans l'attaque. Charb, de son vrai nom Stéphane Charbonnier, était le directeur de la publication de Charlie. L'économiste Bernard Maris est également décédé dans la fusillade, ainsi que Mustapha Ourrad, correcteur, Frédéric Boisseau, agent d'entretien, et Elsa Cayat, psychanalyste et chroniqueuse. Michel Renaud, ancien directeur de cabinet du maire de Clermont-Ferrand, fait partie des victimes. Président fondateur du Rendez-vous du carnet de voyage clermontois, Michel Renaud était venu rencontrer le dessinateur Cabu pour lui rendre les dessins qu'il avait prêtés à l'association clermontoise pour la dernière manifestation, fin novembre dernier, indique le quotidien La Montagne. Les deux policiers tués sont un membre de la brigade VTT du XIe arrondissement de 42 ans et un membre de la brigade de protection des personnalités de 49 ans.
Le journal est situé rue Nicolas-Appert dans le XIe arrondissement de Paris. Charlie Hebdo avait déjà fait l'objet d'un incendie criminel en novembre 2011, dans ses précédents locaux situés dans le XXe arrondissement. Selon un récit de Libération, les deux hommes armés qui ont pénétré dans les locaux cherchaient tout particulièrement Charb, le patron du journal.
Selon nos informations, Laurent Léger, journaliste d'investigation pour l'hebdomadaire, était assis à la table de réunion lors de l'arrivée des assassins. Il a eu le réflexe de se jeter sous la table et de prévenir la police. Indemne, c'est lui qui a également dû procéder à l'identification des corps de ses collègues. Il était mercredi en début de soirée interrogé par les enquêteurs.
L'attaque a eu lieu peu après 11 heures mercredi matin. Sur une vidéo filmée par Première ligne, une agence de presse télévisuelle, les deux hommes armés crient Allahu Akbar (Dieu est grand) à l'extérieur du bâtiment. Selon une source policière, les assaillants auraient également crié « Nous avons vengé le prophète ».
Jointe par téléphone par le journal L'Humanité, alors qu’elle était encore sur les lieux de la fusillade, la dessinatrice Corinne Rey a apporté ce témoignage : « J’étais allée chercher ma fille à la garderie, en arrivant devant la porte de l’immeuble du journal deux hommes cagoulés et armés nous ont brutalement menacées. Ils voulaient entrer, monter. J’ai tapé le code. Ils ont tiré sur Wolinski, Cabu… ça a duré cinq minutes… Je m’étais réfugiée sous un bureau… Ils parlaient parfaitement le français… Se revendiquaient d’Al-Qaïda. »
Sur place, un voisin, Ludovic M., a assuré avoir entendu « 40 ou 50 coups de feu » alors qu'il se trouvait dans son appartement du boulevard Richard-Lenoir, juste derrière les locaux de Charlie Hebdo. « Au début, j'ai cru que c'était des pétards de nouvel an chinois. J'ai vu par la fenêtre des policiers qui poursuivaient les malfaiteurs. Ils étaient deux personnes cagoulées, l'un d'eux avait un fusil de guerre. Ça tirait dans tous les sens. Dans la rue, les gens se cachaient derrière les voitures. Puis les tireurs sont partis dans une Citroën noire. »
Une autre vidéo circule sur les réseaux sociaux, elle a été prise près du journal. On y voit deux hommes abattre de sang-froid un policier à terre puis retourner à petites foulées dans leur véhicule. Nous en avons extrait quatre images :
Les assaillants ont pris la fuite à bord d'un véhicule, avant de l'abandonner et d'en voler un second, à son tour abandonné porte de Pantin, au nord de Paris. Selon le ministère de l'intérieur, 3 000 policiers sont mobilisés. La justice a lancé un appel à témoin, avec un numéro à contacter : 08 05 02 17 17. Les autopsies auront lieu ce jeudi, selon le procureur de la République, qui a tenu mercredi peu après 18 heures une conférence de presse.
Le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, a dénoncé « une attaque d'une violence démente, barbare comme il n'y en a jamais eu ». « C'est aujourd'hui sans commune mesure le jour le plus noir de l'histoire de la presse française », a-t-il ajouté. « Ils sont rentrés dans d'autres locaux mais n'ont pas tiré, ils visaient clairement Charlie Hebdo », a-t-il encore indiqué.
Au moins 35 000 personnes se sont retrouvées mercredi soir à Paris, place de la République, pour montrer leur solidarité avec Charlie Hebdo (lire notre reportage ici et là notre portfolio). D'autres rassemblements ont eu lieu dans toute la France, et même dans le monde entier.
Enfin, une marche silencieuse aura lieu à 15 heures dimanche au départ de la place de la République à Paris.
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