Après l’attaque meurtrière dont le journal Charlie Hebdo a fait l’objet mercredi 7 janvier, aucun élément de preuve ne permet de conclure à la responsabilité d’une groupe terroriste particulier. Mais plusieurs éléments suggèrent la piste de militants d’un groupe islamiste radical.
Jointe par téléphone par le journal L'Humanité, alors qu’elle était encore sur les lieux de la fusillade, la dessinatrice Corinne Rey a apporté ce témoignage : « J’étais allée chercher ma fille à la garderie, en arrivant devant la porte de l’immeuble du journal deux hommes cagoulés et armés nous ont brutalement menacées. Ils voulaient entrer, monter. J’ai tapé le code. Ils ont tiré sur Wolinski, Cabu… ça a duré cinq minutes… Je m’étais réfugiée sous un bureau… Ils parlaient parfaitement le français… Se revendiquaient d’Al-Qaïda. » Le directeur de Charlie Hebdo tué mercredi, Charb, lui-même faisait l’objet de menaces directes du groupe djihaidste Al-Qaïda et bénéficiait de la protection d’un garde du corps.
Les pro-#EI se réjouissent de l'attentat de #ChalieHebdo mais c'est #AQPA dans Inspire qui avait appelé à tuer Charb pic.twitter.com/dkV3zp6qkM— David Thomson (@_DavidThomson) 7 Janvier 2015
La vidéo montrant une partie de l’attaque laisse penser que le groupe d'assaillants s'était soigneusement préparé, ce qui semblerait plutôt indiquer la piste de l’État islamique, groupe djihadiste actif en Irak et en Syrie. Aucune revendication officielle n’a été faite par ce groupe. Toutefois, dans l’après-midi, un hashtag sur twitter est très vite apparu, proclamant que l’État islamique faisait le takbir (terme désignant en arabe la phrase « Allah est grand », ndlr) dans le centre de Paris. Sous ce hashtag, de nombreux « posts » sur le réseau social twitter faisaient référence aux caricatures de Charlie Hebdo et à l’attentat :
آخر تغريدة للصحيفة رسمة كاريكاتيرية ساخرة لخليفة المسلمين ابي بكر
#الدولة_الإسلامية_تكبر_وسط_باريس
#الدولة_الإسلامية pic.twitter.com/tuo19TRG8U— الشـ همّام ــمري (@TO_L0) 7 Janvier 2015
En septembre dernier, pour la première fois, l’État islamique a menacé directement la France pour sa participation à la coalition contre l’organisation djihadiste en Irak. « Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen – en particulier les méchants et sales Français – ou un Australien ou un Canadien, ou tout [...] citoyen des pays qui sont entrés dans une coalition contre l'État islamique, alors comptez sur Allah et tuez-le de n'importe quelle manière », a déclaré Abou Mohammed al-Adnani, le porte-parole de l'EI.
Pour la 1ère fois l'Etat islamique #EI appelle au jihad contre la France et les Francais https://t.co/bve73cs4n3 pic.twitter.com/lIkLpFspKV— David Thomson (@_DavidThomson) 22 Septembre 2014
En visite en Turquie le 26 septembre 2014, le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve avait estimé que la « menace terroriste » que font peser les djihadistes de l’EI était « réelle chaque jour (…) Il y a une mobilisation totale de nos services, nous devons être vigilants », avait-il ajouté, rappelant que des mesures avaient été récemment prises pour renforcer la sécurité dans les lieux publics, après les menaces lancées par l'EI contre la France et ses ressortissants. Après l'attaque meurtrière contre Charlie Hebdo, Matignon a relevé le plan Vigipirate au niveau « alerte attentat », niveau d’alerte le plus élevé. La France se trouvait déjà en Vigipirate rouge depuis les attentats de Londres en 2005. Le niveau écarlate avait été activé après l'attentat perpétré par Mohammed Merah à Toulouse en 2012.
L’État islamique et Al-Qaïda sont en concurrence pour la primauté du djihad mondial. Ces derniers mois, plusieurs groupes ont prêté allégeance à l’EI en Algérie, au Yémen ou en Égypte (voir ici notre article), étendant son influence au-delà de la Syrie et de l’Irak.
Contre la France, Al-Qaïda avait déjà « pris les devants ». Dans un message sonore mis en ligne dimanche 7 avril 2013, Ayman al-Zawahiri, le chef d'Al-Qaïda, a menacé la France en raison de son intervention au Mali. « Je préviens la France qu'avec la volonté de Dieu, elle connaîtra le même sort qu'a connu l'Amérique en Irak et en Afghanistan », avait alors affirmé al-Zawahiri dans son message.
De leurs côtés, les djihadistes français n’ont pas non plus attendu la proclamation de l’EI pour évoquer la possibilité de frapper l’État français et ses ressortissants. Principales cibles citées sur les forums, selon le chercheur Romain Caillet joint mercredi après-midi : les personnalités islamophobes et les anti-religieux s’attaquant à l’islam. Charlie Hebdo et Charb constituaient pour eux une cible prioritaire. L’hypothèse d’une « conjonction » d’intérêts entre un groupe de militants djihadistes français formés en Syrie ou en Irak et l’État islamique n’est donc pas à exclure.
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