À droite, les commissaires aux comptes se réveilleraient-ils ? Après le signalement effectué à la justice par ceux de l'UMP (dans l'affaire de l'amende de Nicolas Sarkozy réglée par le parti), on apprend que les commissaires aux comptes des « Amis de Nicolas Sarkozy », l'un des partis de poche de l'ancien chef de l’État, ont émis des « réserves » lors de la certification des comptes 2013 de l'association.
Rien de suffisamment grave pour refuser de valider les comptes, ni pour saisir la justice, mais visiblement les deux experts chargés d'auditer le parti, c'est-à-dire de vérifier la « sincérité » des comptes et de repérer d'éventuelles irrégularités, ont été empêchés de contrôler correctement.
C'est l'ami de trente ans de Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux, qui préside ce micro-parti depuis sa création à l'été 2012, avec Nadine Morano pour trésorière et Christian Estrosi comme secrétaire général.
Or les deux commissaires aux comptes se plaignent de n'avoir pu accéder à certains devis. « Concernant les deux principales manifestations de l’année réalisées par le parti (probablement un gros meeting à Arcachon, ndlr), nous n’avons pu obtenir les devis ou budgets acceptés et signés en amont de la facturation des prestations », écrivent-ils dans leur rapport.
Y a-t-il seulement eu des devis ? Quels étaient les prestataires de ces colloques ? Y a-t-il un risque de surfacturation ? Après les révélations de l'an dernier sur le système de fausse facturation entre Bygmalion et l'UMP, la question mérite d'être posée.
D'autant que le mode de financement du meeting d'Arcachon, organisé en partie aux frais de la municipalité en septembre 2013, fait l'objet d'une enquête préliminaire ouverte par le parquet de Bordeaux (comme Mediapart l'a révélé).
Les commissaires aux comptes du micro-parti se sont également heurtés, si l'on comprend bien, à quelque obstacle quand ils ont voulu contrôler la facture d'un autre prestataire, celui chargé d'engranger les adhésions. « Nous n’avons pu, faute d’informations, recouper la facturation contractuelle faite par le prestataire au titre des adhésions avec le nombre mensuel des adhésions pour la période de janvier à mai 2013 », dénoncent les experts. À l'arrivée, bizarrement, pas la moindre recette n'apparaît dans les comptes au rayon « cotisation des adhérents ».
Sollicitée par Mediapart, Nadine Morano n'a pas retourné pour l'instant notre appel.
Il s'avère difficile, par ailleurs, de saisir à quoi ce parti de poche, qui a enregistré 496 000 euros de dons en 2013, a exactement servi. Les comptes précisent bien que 4 900 euros ont été dépensés en voyages, 26 600 euros en loyer, ou encore 41 400 euros en congrès, mais plus de 330 000 euros sont rangés en vrac à la ligne « autres charges externes », des plus opaques.
Du coup, la Commission nationale des financements politiques (CNCCFP), chargée de vérifier les comptes des partis, a usé du nouveau pouvoir que les lois sur la transparence de 2013 lui ont conféré, pour réclamer pièces comptables et factures aux trésoriers. Elle a ainsi demandé des justificatifs, que les « Amis de Nicolas Sarkozy » lui ont fournis. Mais ces échanges restant secrets, les citoyens continueront de s'interroger sur la nature de ces 330 000 euros de dépenses...
La prochaine dissolution du micro-parti a toutefois été annoncée par Brice Hortefeux, qui compte la proposer « au printemps ». Depuis que son champion a été élu président de l'UMP fin novembre, « l'association qui ne tournait qu'avec des bénévoles n'a plus de raison d'être », a précisé Nadine Morano, satisfaite du bilan du micro-parti qui aura permis « d'entretenir un bruit de fond autour de Nicolas Sarkozy ».
Deux autres structures dédiées à l'ancien président resteront quoi qu'il arrive dans le paysage, dont l'« Association de soutien à l'action de Nicolas Sarkozy » (Asans), un parti de poche dont Mediapart avait dévoilé l'existence en 2010 à la faveur de l'affaire Bettencourt. Là encore, la nature de ses dépenses interpelle. En septembre, Le Monde a en effet révélé que l'Asans avait réglé la facture d'un vol Paris-Bordeaux emprunté par Nicolas Sarkozy le 21 mars 2013 pour répondre... à sa convocation par les juges de l'affaire Bettencourt.
Cet usage privatif des fonds est-il bien conforme à l'objet social du micro-parti, tel que défini dans ses statuts ? Interrogé par Mediapart, le mandataire financier de la formation politique, Didier Banquy, nous a répondu que l'Asans comptait « financer l’action de Nicolas Sarkozy au sens large… ». Très large, donc. Pour une véritable transparence sur l'argent des partis, il reste du chemin à parcourir.
→ Voir les comptes 2013 des partis publiés le 31 décembre au Journal officiel, ainsi que l'avis de la Commission nationale des financements politiques.
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