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Manuel Valls, un premier ministre en quête d'espace

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« El Hombre del Año ». Ce lundi 29 décembre, Manuel Valls a été sacré « homme de l'année » par le quotidien espagnol El Mundo. Dans un long entretien au journal castillan, Manuel Valls revient sur son parcours et ses décisions à la tête du gouvernement français. « Je ne me demande pas chaque matin si ma politique est socialiste, mais efficace ». Il tance « la vieille gauche » quand on l'interroge sur les critiques de Martine Aubry. Et, tandis que le président de la République dit entrevoir le bout du tunnel des difficultés économiques, préfère « insister sur la pédagogie de l'effort ». « Je ne veux pas dire aux Français que d'ici deux ou trois ans les sacrifices seront terminés. Nous devrons faire des efforts pendant des années pour que la France soit plus forte ».

Le premier ministre, né espagnol et devenu français, a dû goûter l'hommage venu de l'autre côté des Pyrénées: ces derniers mois, Matignon lui a laissé peu d'occasions de briller.

Dans El Mundo, le chef du PS espagnol salue la « détermination » de Manuel VallsDans El Mundo, le chef du PS espagnol salue la « détermination » de Manuel Valls © capture d'écran El Mundo

En avril 2014, après la débâcle des municipales, l'ex-ministre de l'intérieur était entré à Matignon paré des plumes du réformateur énergique. Huit mois plus tard, il n'a qu'un maigre bilan, le boulot ingrat dont Hollande l'a chargé : faire passer 50 milliards d'économies, un « pacte de responsabilité » sous forme d'exonération de cotisations sociales aux entreprises sans contreparties, qui divise sa majorité ; commenter chaque mois les mauvais chiffres du chômage, sur fond de défiance généralisée. Il revêt toutefois dès qu'il le peut son habit préféré : celui du premier flic de France, qu'il n'est plus. Après la série de faits divers à Dijon, Nantes et Joué-les-Tours, en cette fin décembre, il a assuré que « jamais nous n’avons connu un aussi grand danger en matière de terrorisme ». Tout en lançant des appels au calme. Au risque de jouer avec le feu.

Début 2015, Manuel Valls sera au cœur de tous les brasiers politiques. En première ligne avec la loi Macron (notre décryptage ici) dont l'examen commence le 26 janvier et que les députés « frondeurs » menacent de ne pas voter. Devant les caméras, au soir des 22 et 29 mars, pour commenter la défaite annoncée du PS aux élections départementales – puis celle des régionales, en décembre. Au centre, enfin, des enjeux du congrès socialiste de juin 2017, tant il incarne aux yeux de beaucoup la division et l'antithèse d'une politique de gauche.

Sera-t-il encore à Matignon à la fin de l’année ? Manuel Valls assure qu'il restera à son poste « jusqu'à la fin du quinquennat ». Mais déjà, les ambitions s’aiguisent. Claude Bartolone, le président de l'Assemblée nationale, qui peaufine son profil de rassembleur en vue du congrès socialiste, caresse le secret espoir de prendre sa place. « Valls tourne à vide. Il pédale dans la choucroute », s'amuse un pro-Bartolone, qui prédit sa chute « si les élections départementales sont mauvaises ».

Avec François Hollande, l’entente reste cordiale. Mais une sourde rivalité oppose les deux têtes de l’exécutif (lire notre article). D’autant que le chef de l'État est reparti en campagne. En vue de la présidentielle à laquelle il n'a pas renoncé, il rencontre les Français à l'Élysée, multiplie les rencontres avec les élus de la majorité, écologistes compris, et laisse publier des articles insistant sur sa combativité retrouvée.

Le 17 décembre, le président s'est même invité sans prévenir au pot de fin d'année des sénateurs socialistes. Ce soir-là, il a chipé la vedette à son premier ministre. Avec un discours de mobilisation en vue des élections à venir, de bons mots – « Je ne suis pas candidat, mais je ne parle que des élections de l’an prochain ». Et une allusion à ceux qui « tentent de rassembler très loin de nous », pique adressée à Manuel Valls. La visite surprise a amusé les ministres « hollandais » présents. Selon des témoins, elle a agacé le premier ministre et ses équipes. 

Ces temps-ci, certains de ses ministres le disent tendu. Dominé institutionnellement par le chef de l’État, l’ancien « Monsieur 5 % » de la primaire socialiste de 2011 tente depuis la rentrée de s'organiser pour peser davantage. « Matignon est une forteresse depuis septembre, explique le député PS « frondeur » Christian Paul, proche de Martine Aubry. Ils sont structurés pour faire la guerre, y compris la guerre des idées, avec des séquences planifiées. »

En professionnel de la communication – sa mission auprès de François Hollande lors de la présidentielle, son travail à Matignon sous Jospin –, Valls avait prévu que le mois de décembre serait son moment, fenêtre de tir idéale avant la séquence des vœux présidentiels de janvier. La parenthèse s'est refermée, et le bilan n'est pas fameux.

24 octobre 1993. Michel Rocard est élu premier secrétaire du PS. Dans son équipe : Valls, Huchon, Vaillant, Cambadélis, etc.24 octobre 1993. Michel Rocard est élu premier secrétaire du PS. Dans son équipe : Valls, Huchon, Vaillant, Cambadélis, etc. © DR

En octobre, un grand entretien donné à L'Obs devait faire événement, installer son image de responsable politique moderne contre la « gauche passéiste », positionnement qui constitue la base de son fonds de commerce politique depuis des années. Mais avec son projet de « maison commune » des progressistes étendu au centre, Valls est à nouveau apparu comme le grand diviseur. Même son mentor, l'ancien premier ministre Michel Rocard, l'a déjugé. Ses proches admettent un loupé. « On aurait dû mieux l'expliquer », regrette le sénateur du Val-de-Marne Luc Carvounas, intime de Valls.

Le 7 décembre, son passage sur France 2 n'a réuni que trois millions de spectateurs. Maigre audience. Quelques jours plus tôt, l'apéro de ses soutiens organisé à l'Assemblée nationale par Jean-Jacques Urvoas, le président PS de la commission des lois – qui a l'oreille du premier ministre sur la sécurité – n'avait pas eu non plus le succès escompté. Luc Carvounas assure que « 70 députés et 30 sénateurs étaient présents ». Mais à l'Assemblée, des employés évoquent à peine plus de 50 personnes. Dans les deux cas, c'est assez peu au regard du nombre de députés PS – ils sont 290. « Même Ayrault avait plus de monde à ses déjeuners », s'étonne un membre du gouvernement. Du reste, l’apéro a fait des déçus: de nombreux élus n'ont pas reçu de carton. « Nous avons invité ceux qui, depuis trois ans, ont dit leur soutien à celui qui était ministre de l'intérieur puis premier ministre », explique Carvounas. Exit donc les « frondeurs », mais aussi tous ceux qui, un jour, ont émis des critiques. Au risque d'accréditer l'image persistante d'un premier ministre entouré d’un petit clan revanchard.

En ce mois de décembre, Manuel Valls a aussi tenté de s'aventurer sur le terrain des idées. Un champ dans lequel, d'habitude, ce théoricien de l’action ne brille guère – hormis peut-être son laïcisme intransigeant et sa conception sécuritaire de l’ordre public, deux sujets sur lesquels il peut revendiquer une certaine constance. 

Le 10 décembre, la Fondation Jean-Jaurès, dirigée par son ami Gilles Finchelstein, issu des cercles strauss-kahniens, lui a concocté une soirée sur mesure à la Maison de la chimie. Ce soir-là, devant 750 personnes, dont de nombreux militants franciliens, le premier ministre a disserté sur l’égalité.

Les premiers rangs offraient un instantané assez précis des contours actuels de ses soutiens : les vieux réseaux Rocard (le président de la région Île-de-France, Jean-Paul Huchon, avec qui Valls a travaillé à Matignon au début des années 1990, l’ancien ministre de la défense de Jospin Alain Richard), une partie (assez parisienne) de la strauss-kahnie, explosée depuis l’affaire du Sofitel. Mais seulement trois membres du gouvernement, et pas les plus connus : les secrétaires d’État Pascale Boistard, Jean-Marie Le Guen et Harlem Désir. Invités, des ministres ont préféré ne pas se montrer à ce raout très vallsiste.  

Devant l’auditoire, le premier ministre, soucieux d'envoyer quelques signaux à sa gauche, a d’abord affirmé que « l'égalité reste le combat de ce gouvernement ». Il a aussi joué une carte plus personnelle en vantant les mérites de la « prédistribution » (lire son discours ici). Cette théorie de l'État social part du constat que la redistribution classique par l'impôt et les services publics ne suffit plus pour réduire les inégalités et qu’elle doit être complétée, ou remplacée, par une action plus ciblée sur la réduction des inégalités à la racine (pour plus de précisions, lire notre article). « L'égalité est devenue un mythe, un mirage, (…) une source de frustration, de colère croissante, a plaidé le premier ministre. Il ne suffit pas de “plus d'État”, même si l'on en avait les moyens. Il nous faut repenser notre modèle, (…) sortir du logiciel des Trente Glorieuses. »

Très en vogue dans les cénacles sociaux-démocrates européens, la « prédistribution » est un des piliers du parti travailliste britannique pour les élections du printemps 2015. Pour Manuel Valls, il s’agit d’un clin d’œil théorique à l'héritage de la deuxième gauche, qu'il revendique aujourd’hui malgré ses 5,7 % à la primaire socialiste de 2011. « Manuel Valls représente désormais dans le parti ce que Rocard, Jospin ou DSK incarnaient », assure Luc Carvounas.

10 décembre 2014. Valls à la Fondation Jean-Jaurès.10 décembre 2014. Valls à la Fondation Jean-Jaurès. © Reuters

À la Fondation Jean-Jaurès, ce soir-là, les “Valls Boys” ne cachaient pas leur enthousiasme. « Tu as entendu le discours ? C'est le cœur d'un vrai projet de gauche ! » lançait à une militante un très proche du premier ministre : Christian Gravel, qui fut son collaborateur à Évry et s'est occupé pendant deux ans de la communication de François Hollande à l'Élysée. Il dirige aujourd'hui le Service d'information du gouvernement (SIG) placé sous l’autorité du premier ministre. « C'est très, très moderne, un retour aux fondements de la gauche avec cette idée de l'émancipation de l'individu, décryptait un autre de ses proches. Il y a une vraie putain de cohérence entre ce qu'il dit ce soir et ce qu'il a toujours dit. » Dans l'équipe Valls, on a l'épithète facile.

« Valls a une identité politique et il la confronte à l'exercice du pouvoir. Il ne cherche pas des compromis “zigzagants”, il ouvre le débat. Il représente une gauche moderne, efficace, qui repart à l'offensive », argumentait ce soir-là Francis Chouat, successeur de Valls à la mairie d'Évry. « Le système de redistribution ne permet plus de remplir la promesse républicaine de l'émancipation individuelle, analysait Philippe Doucet, député PS d'Argenteuil, ancien du club La Gauche populaire – lui s’est rallié à Valls tandis que ses anciens acolytes, le député Laurent Baumel et l’élu francilien François Kalfon, font partie des « frondeurs ». Du coup, les gens entrent dans une logique identitaire défendue par le FN et la droite dure. Si nous sommes sortis des municipales à poil, c'est parce que nous avons perdu la bataille culturelle. Nous devons à nouveau mener le combat. »

Le discours de Manuel Valls a pourtant été très peu repris dans les médias, fait remarquer un ministre, « ce qui n’est jamais bon signe… ». « Ça fait un peu vieux plat de Sciences-Po des années 1990 que l’on nous aurait resservi. On est davantage dans une rhétorique de l’égalité », s’étonne ce dernier. « Ce sont des idées déjà un peu anciennes, remarque l’historien du PS Alain Bergounioux, issu, comme Manuel Valls, du rocardisme. Elles ont déjà été formulées dans les cercles strauss-kahniens à la fin des années 1990, dans le cadre du débat sur la troisième voie blairiste et la rénovation de la social-démocratie. »

« Rien de neuf » sur le fond, juge aussi Christian Paul. « Manuel Valls n’est pas le premier à dire que la redistribution est dans l’impasse ou à mettre en avant la nécessité d’un État préventif », dit-il en citant par exemple les travaux « vieux de dix ans » de la sociologue Dominique Méda, ou encore un article signé de sa main en 2012 dans la revue Le Débat. « Son discours devant la Fondation Jean-Jaurès utilise les mots de la gauche, ou plutôt sa novlangue, mais est coupé de l'action. Il ne reflète pas la politique menée: Valls cite deux fois l’économiste Thomas Piketty dans ce discours, mais la grande réforme fiscale prônée par Piketty et promise par François Hollande a été abandonnée ! »

Selon le chef d’orchestre de la soirée, Gilles Finchelstein, l’événement a nécessité plusieurs réunions de préparation à Matignon. Il a été organisé en lien avec les très proches de Manuel Valls : son chef de cabinet, Sébastien Gros, qui travaille avec lui depuis la mairie d’Évry, sa plume, Benjamin Djiane, qui écrivait déjà ses discours place Beauvau. Ou encore Zaki Laïdi, directeur de recherches à Sciences-Po, spécialiste de la mondialisation et des questions européennes, ancien conseiller de Pascal Lamy à la commission européenne. Au début des années 2000, Laïdi, alors très présent dans les médias, promouvait l’importation du blairisme en France. Manuel Valls l’a embauché à son cabinet en septembre 2014 comme conseiller chargé de la « stratégie, des études et de la prospective ». « Il est la tête chercheuse de Manuel Valls, sa plaque-tournante intellectuelle », assure Alain Bergounioux. Plus critique, un proche de Valls assure toutefois, sous couvert d’anonymat, « qu’on ne sait pas trop à quoi il sert ».

Quand on demande à ses proches quels intellectuels Manuel Valls rencontre, les réponses sont d'ailleurs évasives. Alain Bergounioux dit avoir été consulté « une fois ou deux ». Il cite aussi les économistes Daniel Cohen (président du conseil d’orientation scientifique de la Fondation Jean-Jaurès, qui travailla auprès de Martine Aubry pour la primaire socialiste) ou Philippe Aghion (qui a réfléchi au programme de François Hollande). Gilles Finchelstein dit faire passer des « mémos » au premier ministre, « à un rythme modéré ».

Lorsqu'il est invité dans les médias, Manuel Valls étonne souvent les journalistes par la quantité de fiches qu’il a sous les yeux. « Sa pensée est relativement pauvre », raille un ministre. Les amis de Manuel Valls théorisent d'ailleurs le fait qu'il ne doit pas se laisser submerger par les concepts. « Son ADN profond, c’est l’action, justifie Gilles Finchelstein. Ce qu’il fait à Matignon doit rester en phase avec cela, il lui faut éviter de se faire engluer. » D'où la nécessité pour lui de raviver sans cesse la flamme du réformateur : sur la loi Macron et le travail du dimanche, sur la sécurité, sur l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes qu'il veut construire contre l'avis de sa ministre Ségolène Royal, etc.

« Depuis cet été, Valls tente d'écrire la légende du réformateur, commente le « frondeur » Christian Paul. Mais la stratégie risque de faire perdre tout le monde : pendant ce temps, la majorité se rétrécit, la gauche est polyfracturée et la pensée politique s'appauvrit. »

22 décembre. François Hollande et Manuel Valls à la sortie du conseil des ministres.22 décembre. François Hollande et Manuel Valls à la sortie du conseil des ministres. © Reuters

Le dispositif Valls à Matignon reste très ramassé, en mode commando. En dehors des très proches (son chef de cabinet Sébastien Gros, son « M. Communication » Harold Hauzy, etc.), le grand manitou est Yves Colmou, le numéro deux de son cabinet. Les deux hommes se rencontrent en 1988, quand Valls intègre le cabinet de Michel Rocard à Matignon. Colmou est alors chef de cabinet. Depuis, ils n’ont cessé de se croiser (notamment sous Jospin). Au ministère de l’intérieur puis à Matignon, le discret Yves Colmou, très fin connaisseur de la carte électorale, a mis en musique depuis 2012 les réformes des modes de scrutin, notamment le très sensible redécoupage des cantons.

Cet ancien patron de Progress, structure qui a servi pendant des années de cabinet de placement des responsables socialistes dans les collectivités territoriales, a la haute main sur bien des nominations, notamment dans la préfectorale. Après les municipales, des élus défaits l’ont sollicité pour recaser certains de leurs protégés. Lors du dernier remaniement, fin août, les ministres l’appelaient pour faire passer des messages. « Il est très courtisé car il est une voie d’accès directe au premier ministre », dit un député. Véritable Mazarin, il ne quitte pas le premier ministre d'une semelle. Il lui arrive même de signifier des arbitrages aux ministres d’un « c’est comme ça » sans appel. À l’Assemblée, Colmou, « le surgé », selon un élu, est omniprésent. Il hante le salon Delacroix réservé aux parlementaires de gauche, scrute l’hémicycle au moment des votes. Les élus se savent sous surveillance. « À un près, il avait le résultat du vote sur le budget », dit un conseiller de Bercy.

Le premier ministre reste également très proche de ses amis de trente ans de la fac de Tolbiac, le communicant Stéphane Fouks, président de l’agence Havas Wordlwide (ex-Euro RSCG), qui conseilla Dominique Strauss-Kahn et donna des coups de main à Jérôme Cahuzac après les révélations de Mediapart sur son compte en Suisse, et le criminologue Alain Bauer. Selon Le Monde, tous deux étaient auprès de lui lors de sa nomination à Matignon. EuroRSCG, « Euro », comme on la surnomme dans les allées du pouvoir, a d’ailleurs repris ses aises dans les ministères, après une très courte disgrâce consécutive à l’affaire DSK. Élysée, Matignon, Santé, Défense, Affaires étrangères, Culture, Intérieur, Décentralisation, Secrétariat général à l’information…, les anciens de l’agence occupent de nombreux postes de communicants.

À Bercy, Gilles Finchelstein, par ailleurs directeur des études d’Havas, n’est plus conseiller rémunéré comme il le fut sous Pierre Moscovici. Mais deux jeunes « bébés Fouks » entourent désormais la communication d’Emmanuel Macron : son chargé de la communication et des affaires stratégiques, Ismaël Emelien, ancien bras droit de Finchelstein à la Fondation Jean-Jaurès (les deux hommes ont créé une société de conseil, fin 2013), et la responsable des relations avec la presse nationale, Anne Descamps. Ce qui n’empêche pas Havas d’avoir pour client le Conseil supérieur du notariat, qui conteste la loi Macron à coup de campagnes d’affichage et de manifestations très bien orchestrées (lire notre reportage). « Il y a quand même un minimum d’éthique à respecter ! » s’étrangle le proche d’un autre ministre de Bercy.

À l’Assemblée et au PS, l’écurie Valls reste peu structurée. « Il n’est plus le “Monsieur 5 %” de la primaire, je vous le confirme ! » dit un autre de ses proches, le député Carlos Da Silva. « Valls a élargi sa part de marché, admet Christian Paul. Pas tant par adhésion que parce que beaucoup de socialistes sont à la recherche d’une bouée de sauvetage dans cette première partie du quinquennat qui apparaît comme un siphon sans fin. Ils le saisissent comme on saisit une braise en se disant que c'est peut-être un talisman. En cela, il a une capacité de séduction. D’autant qu’il mène une bataille de mouvement et ne se contente pas d’une guerre de tranchées. Même s’il construit sur du sable, il élève incontestablement le niveau de jeu. À nous d’être à la hauteur… »

Aux “vallsistes” de la première heure (Da Silva, Carvounas, le député de Seine-Saint-Denis Pascal Popelin), se sont greffés quelques nouveaux, comme le porte-parole des députés PS Hugues Fourage, Philippe Doucet, l’élu du Pas-de-Calais Nicolas Bays etc. Mais aussi les “réformateurs”, l’aile droite du PS (le secrétaire d’État Jean-Marie Le Guen, les députés de Paris et de l’Ardèche Christophe Caresche et Pascal Terrasse). Ce petit groupe, parfois élargi, se réunit tous les mercredis à Matignon autour de Manuel Valls. Mais « ils n’ont pas encore donné le signal de la structuration », note une députée. « La meilleure organisation, c’est la capillarité », justifie Francis Chouat. « Le sujet, ce n'est pas Manuel Valls mais le quinquennat de François Hollande. Si François Hollande n'est pas réélu en 2017, il n'y a plus personne pour 2022 », balaie Luc Carvounas.

En réalité, cette réticence à s'organiser est surtout stratégique. Manuel Valls n’a aucun intérêt à montrer les muscles dès maintenant. S'il quittait le gouvernement dans les mois à venir, son bilan à Matignon ne serait pas très étoffé. Et en vue du congrès, il a tout intérêt à se fondre dans une large majorité. « S’il se compte, il aura froid », assure un membre du gouvernement.

En même temps, le premier ministre est condamné à cultiver sa singularité pour ne pas disparaître des radars médiatiques. Ce qui veut dire continuer à jouer sa partition sans paraître trop clivant au sein du PS. Tout en se réservant quand même la possibilité de sauter du train en marche s’il estime que son attelage avec François Hollande, ou l’absence de résultats, lui coûte davantage qu'il ne lui rapporte. À moins que ce ne soit François Hollande qui ne décide de se séparer de lui en cas de crise politique majeure.

BOITE NOIRECette enquête est le fruit d'entretiens avec une vingtaine de responsables politiques, ministres, parlementaires, conseillers ministériels, etc. Pour des raisons évidentes, certains ont tenu à ne pas apparaître. D'autres, proches de Manuel Valls notamment, n'ont pas souhaité me répondre. Sollicité par SMS pour « un article sur Manuel Valls » et sa séquence médiatique de décembre, le responsable de la communication de Matignon n'a pas souhaité que nous discutions au téléphone et m'a demandé d'envoyer des questions par mail, auxquelles il a répondu de façon assez lacunaire, me renvoyant… aux articles parus dans le reste de la presse.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Cacher ses adresses mail, numéros de téléphone, etc… des spammeurs sur WordPress


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