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Les vœux de courage de François Morel

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Après Stéphane Hessel en 2010, Moncef Marzouki en 2011, Édouard Martin en 2012, Ariane Mnouchkine en 2013, c’est en compagnie de l’acteur, chanteur et chroniqueur François Morel que nous avons souhaité finir l’année 2014. François Morel (dont le site personnel est ici et la biographie là) a fait ses débuts dans la troupe de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, ainsi qu’au Théâtre du Rond-Point avec Jean-Michel Ribes. Il fut le « Monsieur Morel » des Deschiens sur Canal Plus de 1993 à 2000. Auteur de chansons et chanteur lui-même, il est aussi chroniqueur tous les vendredis matins sur France Inter (à réécouter ici). À partir du 28 janvier et jusqu’au 28 février, il jouera à Paris son dernier spectacle, créé à La Rochelle en 2013, La fin du monde est pour dimanche (les informations ici).

N’hésitez pas à partager ces vœux (qui sont en accès libre) à vos proches, amis et relations. C’est une belle et originale façon de passer d’une année à lautre, en fraternité et solidarité. Toute l’équipe de Mediapart se joint à François Morel pour vous souhaiter à toutes et à tous une année 2015 de courage, de résistance et d’espérance.

Voici le texte des vœux de François Morel, président de la République d’un soir :

Mon cher compatriote,

Je m’adresse à toi pour te présenter mes vœux, mes vœux républicains, amicaux et fraternels, et affectueux, et espiègles, et courts. Je me propose d’être ton président de la République mais juste pendant cinq minutes, j’ai peu d’ambition politique.

Après tout  « Moi, Président », pourquoi pas ? Je ne dis pas que je ferais mieux qu’un autre. Sûrement pas ! Mais ferais-je pire ? On dit que les décisions aujourd’hui nous dépassent, c’est le monde de la finance, le commerce international qui aujourd’hui en France font la pluie et le beau temps. Plutôt la pluie ? Je suis d’accord avec toi.

Donc… « La France, le chômage, la réforme, la modernisation, la  responsabilité, l’éducation, la reprise, l’engagement, la croissance, les plans sociaux, les partenaires sociaux, la crise, les efforts, les impôts, l’emploi… »

À partir de ces quelques mots obligatoires, toi aussi tu peux écrire tes vœux présidentiels aux Français. Tu n’es pas plus bête qu’un autre. Tu n’es pas plus stupide… Bien sûr, tu dois faire attention de ne pas faire de contresens. Ne va pas dire que ta priorité, c’est la reprise du chômage. Ne va pas déclarer que l’augmentation des impôts sera l’objet de tous tes efforts et que tu feras la guerre à l’éducation. Mais enfin, tu dois pouvoir arriver à écrire un discours un peu correct. Ce n’est pas si compliqué.

Enfin, ce n’est pas si compliqué, parce que toi, mon cher compatriote, tu n’es pas obligé de t’y coller tous les ans.

Le problème des vœux présidentiels, c’est qu’aujourd’hui, n’importe qui ayant un ordinateur, un téléphone portable peut avoir accès aux vœux précédents. Ça calme. Dans le temps, quand le Général souhaitait une bonne année 1959, 1960, 1961, personne n’allait comparer ses nouveaux vœux avec ses anciens vœux pour voir si les engagements avaient été ou non tenus, si les déclarations avaient été suivies d’effets. De toutes façons, on discutait assez peu la parole présidentielle. À l’époque de Michel Droit et de l’ORTF, les réseaux sociaux n’existaient pas. Mediapart non plus et Edwy Plenel était imberbe.

Aujourd’hui, le président de la République est quasiment dans la situation d’Élisabeth Teissier faisant ses prévisions astrologiques. De même qu’Élisabeth avait prévu pour DSK une année 2011 « géniale », le président avait annoncé l’an passé que la bataille de l’emploi serait sa préoccupation première. C’est possible. On ne l’a pas spécialement remarqué. Le nombre de chômeurs augmente. La reprise se fait attendre. Les entreprises continuent de fermer les unes après les autres…

Tout ça ouvre un boulevard aérien pour les oiseaux de mauvais augure qui trouvent que c’était mieux avant, quand la peine de mort n’était pas abolie, quand l’avortement était interdit, quand les femmes n’avaient pas le droit de posséder un carnet de chèques, quand la déportation était un moyen comme un autre pour voyager et voir du pays et même quand le maréchal Pétain protégeait les Français israélites avec une efficacité si singulière qu’elle a échappé à beaucoup.

Mon cher compatriote, même si la connerie prospère en même temps que le racisme, le désespoir et le ricanement, tu résistes. Comme tu peux, avec tes moyens.

Car figure-toi, mon cher compatriote, quand je te regarde, je suis dans la position de Louis de Funès observant Bourvil dans Le Corniaud et j’ai envie de dire : « Il m’épate, il m’épate, il m’épate. » Oui, mon cher compatriote, souvent, tu m’épates, tu m’épates, tu m’épates.

Tu montres une vitalité admirable. Je te vois fréquenter les théâtres, les salles de concert, les bibliothèques, les librairies. Je te vois curieux, désireux, impatient de connaître, d’aimer, de partager. Je te vois t’impliquer dans des associations. Je te vois à Manosque, parmi une foule immense, écouter Emmanuel Carrère parler de son dernier livre. Je te vois un peu partout en France, à venir en nombre participer à des festivals, des salons, des forums exigeants. Comme souvent, certains politicards sont à la traîne, critiquent l’élitisme supposé des programmations théâtrales quand le public vient en nombre chercher du sens et du contenu dans des spectacles pas forcément estampillés « vus à la télé ».

Tu m’épates quand je te vois à l’instar de monsieur Saladin refuser l’enlaidissement des entrées de villes polluées par les publicités toujours plus énormes, toujours plus vilaines. Je te vois ne pas baisser les bras quand la plupart des médias distillent la morosité.

Je t’adresse mes vœux mais pas seulement… Je me souhaite de ressembler le plus souvent à cette France joyeuse, vive, éveillée que, plus souvent qu’à ton tour, mon cher compatriote, tu incarnes si bien.

Je nous souhaite, encore pour cette année, mon cher compatriote, bien du courage.

Vive les enfants, les femmes, les hommes ! Et aussi les animaux et les arbres, les chats sauvages, les chiens fidèles et les étoiles filantes !

Vive la beauté et la générosité ! Vive la liberté, la fraternité et l’égalité !

Vive la République pour toutes et tous, la tienne, mon cher compatriote !

La musique des génériques de début et de fin est tirée de Echoes of France, une libre interprétation de La Marseillaise enregistrée à Londres le 31 janvier 1946 par Django Reinhardt et Stéphane Grapelli :

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