Tant attendue, la déclaration de patrimoine d’Emmanuel Macron, ministre de l’économie et ancien banquier chez Rothschild & Cie, a été publiée en toute discrétion vendredi 19 décembre, veille de départs en vacances, par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HAT), en même temps que les déclarations de ses collègues entrés au gouvernement lors du remaniement du 26 août dernier.
La déclaration de patrimoine d'Emmanuel Macron n'est assortie d'aucune appréciation de la HAT, qui n'a donc relevé aucune omission ni sous-évaluation notable de ses biens (à l'inverse du cas de Jean-Marie Le Guen, le secrétaire d'État chargé des relations avec le parlement toujours en poste, épinglé en juin dernier pour avoir minoré son patrimoine immobilier de 700 000 euros).
Cette validation, cependant, ne préjuge en rien des résultats de la vérification fiscale subie par ailleurs par Emmanuel Macron, selon la procédure automatique qui vise désormais tous les nouveaux ministres et qui a provoqué la démission de Thomas Thévenoud.
Depuis que L’Express a révélé en septembre que le ministre de l'économie ne « paie pas l'ISF » (ce qu'il n'a jamais démenti), une même interrogation agite en tout cas le "tout-Paris": comment l’ancien banquier, qui a touché plus de deux millions d’euros comme associé-gérant chez Rothschild en 2011 et 2012, qui possède (lui ou sa femme) des biens immobiliers à Paris et dans la ville huppée du Touquet-Paris-Plage, peut-il échapper à l'impôt de solidarité sur la fortune ? Pour rappel, tout foyer fiscal est redevable de l'ISF quand son « patrimoine net taxable » dépasse 1,3 million d’euros.
Les deux déclarations de patrimoine et d’intérêts signées le 24 octobre par le ministre (à deux jours de la date limite) apportent aujourd'hui quelques pièces supplémentaires au puzzle, mais ne permettent absolument pas de résoudre l’énigme, puisqu'elles n'indiquent pas les biens possédés en propre par son épouse, les dettes de celles-ci, les exonérations et réductions fiscales possibles, etc.
Emmanuel Macron y déclare 1,4 million de revenus pour l’année 2011, époque où il a travaillé comme associé-gérant chez Rothschild : 403 600 euros de « traitements et salaires », 706 300 de « bénéfices industriels et commerciaux », plus 291 300 euros de « revenus de capitaux mobiliers » (des « parts de dividendes dans les sociétés du groupe Rothschild »).
Pour 2012, il indique 1,09 million d’euros, d'abord gagnés à la banque, puis comme secrétaire général adjoint de François Hollande à l’Élysée (100 900 euros entre mai et décembre 2012).
En clair, en un an et demi, Emmanuel Macron a ainsi empoché 2,4 millions d’euros chez Rothschild – une somme qui étonne certains observateurs par sa relative "médiocrité", au regard des gains habituels dans le secteur.
Ensuite, en 2013, ses revenus imposables sont logiquement retombés à 162 000 euros (soit tout de même 13 500 euros par mois), en tant que collaborateur du chef de l’État.
Par ailleurs, quand on additionne ses différents comptes bancaires, ses placements, la valeur de sa voiture, etc., le ministre de l’économie affiche un actif personnel d’environ 1,2 million d’euros, pour 1,05 million d’euros d'emprunts à rembourser.
Mais pour tenter de comprendre si le seuil de 1,3 million d’euros de « patrimoine net taxable » est franchi (susceptible de faire basculer le ministre dans l’ISF), il faut surtout scanner ses biens immobiliers.
Dans cette catégorie, Emmanuel Macron déclare un appartement de 83 m2 situé dans le XVe arrondissement de Paris (cité Falguière), acheté en 2007 pour quelque 820 000 euros. Il indique, sur la base d’une « expertise en date du 17 octobre 2014 », que ses parts dans cette résidence comprenant une terrasse et un parking vaudraient aujourd’hui 935 000 euros, compte tenu des travaux réalisés pour 70 000 euros et de l’évolution des prix de l’immobilier.
D’après des documents du Service de publicité foncière de Paris, que Mediapart a consultés, Emmanuel Macron était l’acquéreur de ce bien à hauteur de « 94,7 % » en 2007, et sa femme de 5,3 %.
À ce jour, c'est le seul bien déclaré par le ministre, qui n'évoque pas la maison de famille de son épouse au Touquet – à juste titre, puisqu’il n’en possède aucune part personnellement. Ce bien mérite pourtant qu’on s’y arrête.
D’après des documents consultés par Mediapart, sa femme (professeur de français et de latin) a en effet récupéré la « nue-propriété » de cette maison de famille en 1985, à la suite d’une « donation-partage » qui a vu deux membres de sa famille en conserver l’usufruit (c’est-à-dire l’usage).
Depuis lors, de deux choses l’une : soit ces parents (nés respectivement en 1909 et 1913) sont toujours vivants et conservent l'usufruit, et le bien ne doit pas rentrer dans le patrimoine taxable du couple Macron. Soit, dans le cas contraire, la valeur actualisée de la maison doit être prise en compte.
Lors de la donation, la propriété valait en tout cas 900 000 francs, une grosse somme pour l’époque. Combien vaut-elle trois décennies plus tard ? À cette question clef, parmi d'autres, la déclaration publiée vendredi ne peut fournir aucune réponse.
Sollicité par Mediapart, Emmanuel Macron n'a pas apporté de précision sur sa situation fiscale.
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