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Le salut fasciste de l'argentier de Marine Le Pen

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Ce sont des photos qui font voler en éclats la stratégie de « dédiabolisation » du Front national. Sur deux clichés qu'a obtenus le journaliste Thierry Vincent et que Mediapart publie, le trésorier du micro-parti de Marine Le Pen, Axel Loustau, fait un salut fasciste devant ses amis. À Canal Plus, M. Loustau a affirmé qu'il ne faisait que « saluer l'amitié et la présence » de ses « 150 amis ». Pourtant, de nombreux éléments recueillis par Mediapart montrent les rituels obsessionnels du trésorier de Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen, comme de son ami Frédéric Chatillon, anciens membres du Groupe union défense (GUD), qui n'ont cessé de fréquenter la mouvance néofasciste européenne.

Axel Loustau et les responsables de Jeanne sont déjà au cœur d'une information judiciaire ouverte en avril sur des soupçons de « faux et usage de faux », d’« escroquerie en bande organisée », et élargie à de possibles faits d’« abus de biens sociaux » et « blanchiment en bande organisée », concernant le fonctionnement de l'association de financement de Marine Le Pen. Les enquêteurs se penchent notamment sur le système de prêts accordés aux candidats FN et la vente de kits de campagne.

La scène de la photo se déroule sur une péniche près de la tour Eiffel, à l’occasion du 40e anniversaire d'Axel Loustau, en février 2011. Parmi les invités figurent le vieil ami de Marine Le Pen, Frédéric Chatillon, ancien leader du GUD, et Minh Tran Long, ancien de la FANE, un groupuscule violent et ouvertement néonazi dissous dans les années 1980.

Axel Loustau lors de son 40e anniversaire, en 2011, sur une péniche, à Paris.Axel Loustau lors de son 40e anniversaire, en 2011, sur une péniche, à Paris. © Thierry Vincent / Mediapart
Axel Loustau (au centre) devant ses invités, à ses 40 ans, en 2011. À droite, Frédéric Chatillon. À gauche, Minh Tran Long.Axel Loustau (au centre) devant ses invités, à ses 40 ans, en 2011. À droite, Frédéric Chatillon. À gauche, Minh Tran Long. © Thierry Vincent / Mediapart

Mediapart a questionné Frédéric Chatillon et Axel Loustau au sujet de ces photos, ils ont tous deux réagi par l'envoi de « mises en demeure » de leurs avocats, expliquant qu'ils engageraient « sans délai une procédure pour diffamation » et « violation de la vie privée », en cas de publication de notre article (lire notre boîte noire). Notre confrère de Canal Plus a reçu la même mise en demeure de la part d'Axel Loustau. Marine Le Pen a fait savoir le 19 novembre par son chef de cabinet qu'elle « ne souhait(ait) pas réagir à (notre) article ».

Ces photos du trésorier de Jeanne sont révélées dans un documentaire de Canal Plus consacré à la recrudescence des violences à l’extrême droite, qui sera diffusé ce lundi soir dans l’émission Spécial Investigation. Pendant un an et demi, le journaliste Thierry Vincent a enquêté sur des violences ou agressions commises par des groupuscules d’extrême droite à Paris, Lyon, Lille, Clermont-Ferrand (notamment sur la mort du militant antifasciste Clément Méric). L'une des séquences est consacrée à Axel Loustau :

Cet ami et associé de Frédéric Chatillon fait partie du cercle des anciens du GUD, qui occupe une place grandissante auprès de la présidente du Front national. S’ils ne sont pas encartés au FN, ils travaillent avec lui, via leurs sociétés. Frédéric Chatillon a été le prestataire phare de la campagne présidentielle de Marine Le Pen en 2012. Axel Loustau et sa société Vendôme Sécurité ont assuré à plusieurs reprises la sécurité des Le Pen lors de meetings et événements frontistes. Déjà prestataire de la campagne 2012 de Le Pen, Minh Tran Long travaille avec la plus grande mairie FN, Fréjus. Tous trois sont au cœur du QG de la rue des Vignes, dans le XVIe arrondissement de Paris, où sont installés les prestataires de confiance de Marine Le Pen, et où elle se rend parfois.

Axel Loustau, à droite de Grégoire Boucher, organisateur avec l'oreillette, lors du «Jour de colère» à Paris le 26 janvier 2014.Axel Loustau, à droite de Grégoire Boucher, organisateur avec l'oreillette, lors du «Jour de colère» à Paris le 26 janvier 2014. © M.T. / Mediapart

Candidat FN aux législatives de 1997, Axel Loustau, 43 ans, apparaît régulièrement dans des manifestations de l'extrême droite la plus radicale, à Paris : au traditionnel défilé du 9 mai ; au « Jour de colère », mobilisation ponctuée de slogans antisémites, en janvier, où Mediapart l'a aperçu aux côtés d'un organisateur ; ou encore à une manifestation des identitaires, en octobre 2010, où il était venu surveiller la nouvelle génération du GUD.

M. Loustau a aussi participé aux débordements en marge de manifestations contre le mariage pour tous, aux Invalides, à Paris, où il a été interpellé le 23 avril 2013. Malgré cela, il a été promu au fil des années. Il a été propulsé, en mars 2012, au poste clé de trésorier de Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen. En septembre dernier, il est devenu, d’après Le Monde, le responsable du cercle Cardinal, un nouveau cercle du FN rassemblant des petits patrons.

D'après plusieurs documents et témoignages d'anciens de ce cercle du GUD recueillis par Mediapart, le bras tendu d'Axel Loustau n'est pas un geste anecdotique. De fait, s'ils ne sont plus officiellement aux manettes du groupe radical, les anciens gudards qui entourent Marine Le Pen – Frédéric Chatillon, Axel Loustau et Olivier Duguet (trésorier de Jeanne entre 2010 et 2012, condamné en juin 2012 dans une affaire d'escroquerie au préjudice de Pôle emploi) –, en ont gardé les traditions et le folklore.

Craignant des menaces ou des représailles, plusieurs témoins n'ont accepté de nous livrer leurs récits qu'à condition que leur anonymat soit préservé, mais certains d'entre eux se disent prêts à témoigner devant la justice. Un seul a accepté d'apparaître. Denis Le Moal, militant du GUD entre 1986 et 1995, qui a « beaucoup côtoyé Frédéric Chatillon », a livré en janvier un témoignage inédit, publié sur Mediapart, remis au tribunal de grande instance de Paris par le journaliste Frédéric Haziza, dans le cadre d'une procédure en référé engagée par Chatillon pour faire censurer des passages de son livre. Depuis, l'ancien gudard a donné à Mediapart un grand nombre de détails, malgré les « menaces de mort » qu'il affirme avoir reçues après s'être exprimé.

Marine Le Pen avec Frédéric Chatillon et Axel Loustau (à droite), en novembre 2013, à Paris. Dossier Figaro Magazine (mai 2014).Marine Le Pen avec Frédéric Chatillon et Axel Loustau (à droite), en novembre 2013, à Paris. Dossier Figaro Magazine (mai 2014). © Julien Muguet / IP3 Press / MaxPPP

Il faut dire que les gudards se sont déjà montrés menaçants. L'ancien rédacteur en chef de Minute, Bruno Larebière, a été frappé en public par Frédéric Chatillon, en juin 2010. Un mois plus tôt, nos confrères du Monde avaient raconté les menaces (et crachat) reçus de la part d'Axel Loustau lors du traditionnel défilé de l'extrême droite radicale. Sur Twitter, M. Loustau s'en est aussi pris à Mediapart (ici et ) et s'est amusé à poster la photo de l'auteure de ces lignes la veille d'une manifestation que nous couvrions. Lors de son enquête pour Canal Plus, Thierry Vincent a lui aussi fait l'objet d'intimidations de l'extrême droite.

Contacté par Mediapart, seul Minh Tran Long a accepté de confirmer sa présence à l'anniversaire d'Axel Loustau. « Cette soirée était festive, déclare-t-il, pour ma part aucune allusion et aucun doute possible. Tout sera toujours pris dans le sens qui intéressera vos médias. » « Cela m'étonne qu'une telle photo ait pu paraître, surtout si je suis dessus », ajoute-t-il. Sollicité, Olivier Duguet n'a pas répondu à nos questions.

Olivier Duguet et Frédéric Chatillon lors d'un rassemblement pro-Bachar al-Assad, le 30 octobre 2011, à Paris.Olivier Duguet et Frédéric Chatillon lors d'un rassemblement pro-Bachar al-Assad, le 30 octobre 2011, à Paris. © Capture d'écran d'un documentaire de Canal Plus.

Que disent les témoignages recueillis par Mediapart ? Ils évoquent les soirées réunissant la fine fleur du GUD des années 1990, autour du trio Chatillon-Loustau-Duguet, dans leur quartier de prédilection, place Léon-Deubel, dans le XVIe arrondissement de Paris, dans un bar ou dans les locaux de la société d'Axel Loustau.

Leurs sujets favoris restent « les juifs, les camps d'extermination »« Hitler, qu'ils appellent "Tonton" », relate un témoin. « Il n'y a pas une soirée où il n’y a pas un salut nazi. Quand ils sont entre eux, ils se lâchent complètement car ils sont en confiance. Et quand ils sont dans un restaurant où il y a du monde, leur blague est de faire des petits saluts, en levant juste la main. Toutes leurs conversations tournent autour de cela. »

Certains rendez-vous restent dans les mémoires. Comme cette soirée organisée chez un ancien du GUD, à deux pas de la place Charles-de-Gaulle, à Paris, pour commémorer la mort de Jörg Haider, leader de l’extrême droite autrichienne décédé en 2008, connu pour ses propos antisémites« Il y avait un portrait d’Haider sur la cheminée avec un ruban noir, pour célébrer la perte d’un grand homme. Ils faisaient des saluts nazis », raconte le même témoin. Ou encore la soirée d'anniversaire d’Olivier Duguet, en 2009, à son domicile dans les Hauts-de-Seine : « Des chants nazis étaient passés. Il y avait une quinzaine de personnes, pratiquement toutes chantaient. »

Par mail ou sur Facebook – sur des comptes où ils figurent parfois sous pseudonymes et dont ils changent souvent les noms –, les « blagues » et allusions au nazisme et aux juifs sont « permanentes », affirme l'un des témoins. Sur Facebook, le compte d'un certain « Alex Soulatu » – anagramme d’Axel Loustau et qui affichait sa photo – enchaînait, avec ses amis, des références implicites à la Shoah, ironisant sur « 6 millions de Franciliens inquiétés par le gaz ». Ces publications, datées du 22 janvier 2013 et que Mediapart s'est procurées, ont depuis été supprimées, ainsi que toute la page.

L’antisémitisme n’est pas seulement au cœur de prétendues « blagues ». « Leur référence, c’est Robert Faurisson (historien révisionniste maintes fois condamné pour avoir nié l’existence des chambres à gaz, ndlr) », affirme l'un des témoins. Au fil des années, Chatillon et certains gudards ont d’ailleurs assuré la protection des négationnistes Robert Faurisson et Roger Garaudy (exemple en 1998 – voir ce documentaire à 45'45) lors de leurs procès.

Frédéric Chatillon (au téléphone), lors du procès de Dieudonné et Robert Faurisson, le 22 septembre 2009, à Paris.Frédéric Chatillon (au téléphone), lors du procès de Dieudonné et Robert Faurisson, le 22 septembre 2009, à Paris. © Reflexes

Ce récit rejoint le témoignage de l'ancien militant du GUD Denis Le Moal, qui détaille dans une attestation de trois pages (à lire sous notre onglet "prolonger") la « haine maladive des juifs » de Chatillon. Selon lui, « il ne s'agit aucunement d'erreurs de jeunesse », car ses « engagements de jeunesse » et ses « rapports avec les milieux néonazis français ou européens ne se sont jamais démentis »Frédéric Chatillon, celui qui confectionne le matériel de propagande de Marine Le Pen et l'accompagne dans certains déplacements, connaît bien cette mouvance : il a travaillé lui-même à la principale librairie négationniste de France, Ogmios.

Il raconte ainsi comment, « sous (l')impulsion » de Frédéric Chatillon, « le GUD prit un tournant antisémite et négationniste ». « Nous militions surtout par anticommunisme. Les juifs, avant l’arrivée de Chatillon, ce n’était pas notre problème », explique-t-il. Cette militance au GUD est parfaitement connue de Marine Le Pen : elle a été l'avocate de membres de cette organisation qui ont envahi les locaux de Fun Radio, en 1994.

F. Chatillon (à droite) et Jean-Pierre Emié, dit  « Johnny le boxeur » (à gauche), aux 25 ans du GUD, à la Mutualité, à Paris.F. Chatillon (à droite) et Jean-Pierre Emié, dit « Johnny le boxeur » (à gauche), aux 25 ans du GUD, à la Mutualité, à Paris. © Les Rats Maudits

Parmi les nombreux épisodes édifiants relatés par Denis Le Moal, le meeting des 25 ans du GUD, à la Mutualité à Paris, le 3 mai 1993. Organisé par Frédéric Chatillon, il « s’est transformé en réunion faisant l’apologie du nazisme lors de l’intervention du délégué allemand Franck Rennicke, se concluant par une série de “Sieg Heil” accompagnés de “saluts nazis” », relate-t-il.

Dans Les Rats maudits, un livre publié « sous la direction de Frédéric Chatillon » en 1995 et qui retrace les trente années du GUD, les auteurs expliquent, à l'occasion de ce meeting, que « le danger rouge n'existe plus » et que « l'ennemi change » « On retrouve aujourd’hui côte à côte les marxistes, les sionistes, et les libéraux alliés contre les défenseurs de l’identité nationale. »

D'après M. Le Moal, Chatillon « organisait » à l'époque, « chaque année », « un dîner le jour de l’anniversaire du “Führer” le 20 avril, pour rendre hommage à “ce grand homme” ». Présent à l’un de ces dîners, « dans un restaurant de Montparnasse », l'ex-gudard explique que Chatillon était venu avec « un portrait peint d’Adolf Hitler », et qu’il le présenta au cours du dîner « en prononçant ces mots “mon Führer bien-aimé, il est magnifique”, avant de l’embrasser ». Il assure aussi que l'ancien président du GUD « organisait, alors qu’il était étudiant, des soirées “pyjamas rayés” en allusion aux tenues de déportés juifs ».

Les activistes ultras n'hésitaient pas à rencontrer d'anciens dignitaires nazis. En 1992, Frédéric Chatillon et ses camarades rendent visite, à Madrid, à l'ancien Waffen-SS Léon Degrelle – ce fondateur du mouvement collaborationniste Rex en Belgique, qui estimait qu'« Hitler c’était le génie foudroyant, le plus grand homme de notre siècle ». Dans le documentaire « Léon Degrelle ou la Führer de vivre », diffusé sur la RTBF en 2009, Chatillon raconte, filmé de dos, leurs « dîners » et « réunions » avec l'ancien Waffen-SS, qu'il a vu « régulièrement »« Il nous donnait l'envie de combattre, enfin de militer pour nos idées. On revenait de là, on était galvanisés. On avait vraiment envie de continuer dans notre engagement, nos idées, c'était vraiment des moments très très forts », témoigne-t-il :

Dans ce film, on voit également Axel Loustau se faire dédicacer, en 1992, le livre de Degrelle, en lui adressant une poignée de main et un « mon Général, c’est un très grand honneur » :

Axel Loustau (à 21 ans) avec Léon Degrelle lui dédicaçant son livre, en 1992, à Madrid.Axel Loustau (à 21 ans) avec Léon Degrelle lui dédicaçant son livre, en 1992, à Madrid. © Documentaire « Léon Degrelle ou la Führer de vivre »

Frédéric Chatillon se serait également vu offrir, par le général Tlass, « à l’occasion de son premier séjour en Syrie »« un magnifique exemplaire de Mein Kampf en arabe », rapporte Denis Le Moal. Ce qui lui aurait valu d’être « interpellé pour un débriefing par les services français à sa descente d’avion », à Paris.

C'est « après cette visite en Syrie » que les actions du GUD prenant « pour cible des intérêts ou symboles juifs en France » auraient commencé, selon M. Le Moal. D'après lui, elles auraient été organisées par Chatillon « du début à la fin ». Il se souvient notamment d'une « attaque de la manifestation de la communauté juive devant l'ambassade d'Allemagne, par une trentaine de gudards », dont « Frédéric Chatillon, Axel Loustau et Olivier Duguet », au début des années 1990.

Frédéric Chatillon, Dieudonné et le négationniste Robert Faurisson, au théâtre de la Main d'or, en 2009.Frédéric Chatillon, Dieudonné et le négationniste Robert Faurisson, au théâtre de la Main d'or, en 2009. © Reflexes

Plus récemment, Frédéric Chatillon n’a pas non plus caché sa grande proximité avec les nouveaux "polémistes" antisémites Alain Soral et Dieudonné. À plusieurs reprises, au Zénith et au théâtre de la Main d’Or, il a assisté au spectacle de Dieudonné, « un pote », expliquait-il à Mediapart en 2012. Dans les années 2000, l'ancien leader du GUD est à la confluence du rapprochement des deux hommes avec le Front national. 

Il était notamment présent, ainsi que Jean-Marie Le Pen, au Zénith en décembre 2008, lorsque l'humoriste a remis à Faurisson sur scène un prix de « l’infréquentabilité et de l’insolence », apporté par une personne habillée en déporté juif. Ce proche de Marine Le Pen s'amuse depuis à s'afficher sur les réseaux sociaux faisant des "quenelles", ce geste popularisé par Dieudonné, et considéré par certains comme un « salut nazi à l'envers » :

F. Chatillon s'affichant sur les réseaux sociaux faisant une quenelle en juillet et août 2013 (avec le boxeur Jérôme Le Banner).F. Chatillon s'affichant sur les réseaux sociaux faisant une quenelle en juillet et août 2013 (avec le boxeur Jérôme Le Banner).

Chatillon escorte Alain Soral lorsqu'il est expulsé d’une dédicace mouvementée à Sciences-Po, en 2006 (voir la vidéo à 7’). En 2009, c'est Axel Loustau qui assure la protection de Dieudonné, lors d’une manifestation de soutien à Gaza, comme on le voit sur ces images.

Alain Soral et Frédéric Chatillon à la fin des années 2000. Photo postée sur le Facebook d'Alain Soral.Alain Soral et Frédéric Chatillon à la fin des années 2000. Photo postée sur le Facebook d'Alain Soral.

Soutien du régime syrien, l'ex-président du GUD s’est rendu en Syrie et au Liban avec Dieudonné et Soral en août 2006 (voir les photos de REFLEXes). Encore aujourd'hui, le tandem Chatillon-Loustau soutient implicitement Soral en relayant sur Internet les attaques visant Aymeric Chauprade, le conseiller international de Marine Le Pen, en conflit ouvert avec le polémiste.

Leur ami Minh Tran Long précise lui qu'il n'a « pas pris part à ces élucubrations » évoquées par Mediapart. « S'ils (Frédéric Chatillon et Axel Loustau, ndlr) sont mis en cause, cela les regarde, mais je ne supporterai pas les amalgames à deux balles. » Ancien de la FANE, organisation néonazie, Minh Tran Long « ne regrette rien » de son militantisme, mais le considère comme « passé » et « derrière (lui) ».

Ces photos montrant Axel Loustau en train de faire un salut fasciste relancent en tout cas la question de l’antisémitisme au Front national. Marine Le Pen, arrivée en 2011 à la tête du parti, a plusieurs fois pris ses distances avec les propos polémiques de son père. Jean-Marie Le Pen s’est illustré par ses propos antisémites (sur les chambres à gaz qualifiées, encore en 2009, de « détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale », sur un ministre surnommé en 1987 « M. Durafour-Crématoire » ou, en juin, sur la « fournée » et Patrick Bruel).

En 2008, devant le tollé, Marine Le Pen explique qu’elle « ne partage pas sur ces événements la même vision que (s)on père ». L'année suivante, elle indique qu’elle « ne pense pas » que les chambres à gaz « soient un détail de l'Histoire ». En 2011, après son intronisation, elle déclare au Point : « Tout le monde sait ce qui s'est passé dans les camps et dans quelles conditions. Ce qui s'y est passé est le summum de la barbarie. »

Frédéric Chatillon accompagnant Marine Le Pen lors de sa visite en Italie, en octobre 2011.Frédéric Chatillon accompagnant Marine Le Pen lors de sa visite en Italie, en octobre 2011. © Capture d'écran d'un documentaire de Canal Plus.

Néanmoins, Marine Le Pen n’a jamais retiré à son père son titre de président d’honneur du Front national, ni condamné sur le fond ses propos antisémites. Lorsque, en septembre 2013, un futur candidat frontiste aux municipales dans le Nord poste sur Facebook des publications antisémites, la patronne du FN ne le suspend qu’après qu’un député UMP a médiatisé l'affaire.

Surtout, Marine Le Pen continue de faire travailler et de confier les finances de son micro-parti à ce noyau d’anciens du GUD mené par Frédéric Chatillon. Dès 2007, lorsqu’elle dirige la campagne présidentielle de son père, elle s’« appuy(e) sur des personnes de l’extérieur et non sur les cadres maison », rapporte Valérie Igounet, spécialiste de l'extrême droite et du négationnisme, dans sa très documentée Histoire du Front national (Seuil, 2014). L'historienne cite « l’avocat Philippe Péninque, "figure de la droite extrême" et ami de Marine Le Pen », « Frédéric Chatillon, Alain Soral » qui seront « les vrais instigateurs de la campagne "à contre flots" (titre que Marine Le Pen a donné à son livre en 2006, ndlr) ».

« Depuis son accession à la présidence, et bien qu’elle s’en défende, Marine Le Pen préserve des contacts avec l’extrême droite traditionnelle, conclut la chercheuse dans son livre, en évoquant « son ami Frédéric Chatillon », qui « reste en relation avec des néofascistes et la mouvance négationniste de Dieudonné M’Bala M’Bala ».

Louis Aliot, numéro deux du FN, avait expliqué dans un entretien avec l'historienne que « la dédiabolisation (du FN, ndlr) ne porte que sur l’antisémitisme » car « c’est l’antisémitisme qui empêche les gens de voter pour nous ». En 2013, la direction du FN a de nouveau demandé à ses candidats de « respect(er) la ligne politique du parti » et de ne « pas se laisser aller à des délires personnels ou idéologiques ».

Et pourtant. Une étude de la Fondation pour l'innovation politique (FondaPol), proche de l'UMP, publiée le 14 novembre, démontre que l'antisémitisme reste fort au Front national. Ce que confirme L'Express, qui a exhumé le 18 novembre des publications antisémites de responsables et ex-candidats frontistes, dont des propos sur les juifs tenus en 2013 sur Facebook par le conseiller économique de Marine Le Pen, Bruno Lemaire. « Il n'est pas contraire à la réalité de penser que le lien des juifs aux puissances financières est une vérité historique – et encore actuelle – mais que la persécution qu'ils ont subie au XXe siècle est là encore une vérité historique », avait-il notamment écrit. Le conseiller a dénoncé un « mauvais procès », tout en justifiant : « C'est peut-être maladroit, mais je pense que c'est important de dire les choses telles qu'elles sont. »

BOITE NOIRE« Violences d'extrême droite : le retour », une enquête de Thierry Vincent, journaliste indépendant et ancien rédacteur en chef adjoint de Spécial Investigation. Diffusion le 24 novembre à 22 h 50 sur Canal Plus, dans Spécial InvestigationProduction Antipode, 52 min.

Sollicitée le 18 novembre par l'intermédiaire de son chef de cabinet Philippe Martel, Marine Le Pen a fait savoir qu'elle « ne souhait(ait) pas réagir à (notre) article ». Sollicité sur son portable et par mail, Olivier Duguet n'a pas répondu. De leur côté, Frédéric Chatillon et Axel Loustau, à qui nous avons transmis une liste de questions détaillées, ont répondu par l'envoi de deux « mises en demeure » de leurs avocats, que nous publions :

« Madame,
Je vous écris en qualité de conseil de Monsieur Frédéric CHATILLON qui vient de me transmettre le courriel que vous lui avez adressé le 18 novembre 2014 à 22 heures 24.
Les allégations évoquées dans le courriel susvisé étant de nature purement diffamatoires et portant gravement atteintes à l'honneur ainsi qu'à la réputation de mon client, ce dernier me charge de vous indiquer que si par extraordinaire vous publiez l'article envisagé, il engagera sans délai une procédure pour diffamation tant à votre encontre qu'à l'encontre du directeur de MEDIAPART sur le fondement de l'article 42 de la loi du 29 juillet 1881 puis si nécessaire à l'encontre de CANAL PLUS.
Je reste donc dans l'attente de vous lire à cet égard étant précisé que conformément à mes règles déontologiques, vous pouvez remettre une copie du présent courriel à votre conseil habituel afin qu'il prenne attache avec mon cabinet.
Je vous prie de croire, Madame, en l'assurance de ma parfaite considération.
DGNP AARPI
Avocats au Barreau de Paris
Maître Philippe de LA GATINAIS »

« Madame,
Il a été porté à la connaissance de mon client, Monsieur Axel LOUSTAU, un projet d’article dans lequel il serait cité et certaines photographies relatives à sa vie privée diffusées.
Les allégations évoquées dans cet article sont contestées par mon client et manifestement diffamatoires. Elles constituent en outre une atteinte à la vie privée.
Ce dernier me charge de vous indiquer que si par extraordinaire vous publiez l'article envisagé je saisirai immédiatement les juridictions compétentes pour diffamation et violation de la vie privée.
Je reste donc dans l'attente de vous lire et vous remercie de m’indiquer conformément à mes règles déontologiques les coordonnées de votre avocat afin qu'il prenne attache avec mon cabinet.
Je vous prie de croire, Madame, en l'assurance de mes sentiments distingués.
Frédéric Pichon »

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

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