Il faut « désidéaliser » la minceur. C'est l'une des conclusions livrée par quatre chercheurs pour l'INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) dans le “Baromètre santé jeunes 2010” paru cet été. Leur chapitre, très instructif, est consacré aux « pratiques alimentaires perturbées » des 15-30 ans à travers le comportement de 6 000 d'entre eux. Résultat : 31 % des jeunes filles qui déclarent faire un régime ou avoir besoin de perdre du poids ont en réalité un poids normal ou insuffisant (contre 16 % des garçons). Une donnée parmi d'autres, qui démontre à quel point « la norme esthétique de contrôle du poids » pèse sur leur quotidien, particulièrement pendant l’adolescence.
Les chercheurs de l’INPES s’en inquiètent et rappellent qu’« une telle insatisfaction vis-à-vis de sa propre image est susceptible de générer une détresse psychologique pouvant entraîner une anxiété et des épisodes dépressifs, ou encore des troubles du comportement alimentaire ».
Les auteurs ont interrogé les sujets de l’étude sur quatre comportements :
– Manger énormément avec de la peine à s’arrêter
– Se faire vomir volontairement
– Redouter de commencer à manger
– Manger en cachette
Pour une majorité des jeunes, ces comportements alimentaires ne posent pas de problème. Mais 23 % déclarent tout de même avoir déjà rencontré des situations où ils ont perdu, ou eu peur de perdre, le contrôle de leur alimentation, ou éprouvé un sentiment de culpabilité qui les aurait conduits à dissimuler leurs pratiques ou à adopter des mesures comme le vomissement volontaire.
Parmi eux, plus de 7 % des adolescents ont déjà mangé en cachette, « à une période de la vie où le corps subit des transformations et où l’identité se construit. Dans ce contexte de changements, les jeunes doivent faire face aux modifications non seulement de leur corps, mais aussi des représentations qu’ils en ont ». La souffrance risque ainsi de se faire jour entre « des besoins physiologiques qui peuvent accroître soudainement leur appétit, et des normes sociales de continence alimentaire ». Au collège, 30 % des adolescents se trouvent trop gros ; notamment 23 % des jeunes qui ont un « poids normal » (au regard de l’indice de masse corporel).
La différence entre les deux sexes est importante. 14,8 % des femmes de moins de 30 ans redoutent de commencer à manger de peur de perdre le contrôle (contre 6,5 % des hommes du même âge), « ce qui montre combien la nourriture est une préoccupation importante chez les jeunes filles. Elle constitue une charge mentale permanente ».
45 % des adolescentes se trouvent trop grosses. 6 % d’entre elles se trouvent trop maigres. Au même âge, 22 % des garçons se trouvent trop maigres. Ces chiffres sont paradoxaux : dans la réalité, 22 % des adolescentes sont identifiées comme trop maigres contre seulement 8 % des garçons...
Au vu du faible nombre de données disponibles, les chercheurs se montrent prudents sur l’origine sociale des jeunes en question. Mais visiblement, ceux qui font partie de familles appartenant aux 20 % les plus pauvres de la population déclarent plus souvent que les autres manger énormément sans pouvoir s’arrêter, redouter de le faire ou encore manger en cachette. En revanche, le fait de se faire vomir volontairement est plus présent chez les enfants de cadres.
Dans l'ensemble cependant, « un faible revenu apparaît lié au cumul des troubles ». Les jeunes en situation de détresse sont 2,1 fois plus nombreux que les autres à manger de façon « compulsive ».
Au bout du compte, les auteurs estiment que « les pratiques alimentaires perturbées ne concernent qu’une petite minorité de jeunes ». Mais ils encouragent à « la mise en place d’actions éducatives sur la “désidéalisation” de la minceur afin de limiter la diffusion d’un modèle dominant qui renforce les inégalités sociales ».
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