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La justice reconnaît la cause professionnelle du suicide d’une policière

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Le tribunal administratif de Nice a reconnu le 10 octobre 2014 le suicide de Nelly Bardaine, policière de Cagnes-sur-Mer qui s'est tuée en juillet 2011, comme un accident de service. « Les circonstances dans lesquelles Mme Bardaine a exercé ses fonctions constituent la cause déterminante de son suicide, qui ne peut être regardé comme un fait personnel détachable du service, affirment les juges dans leur décision. Par suite, c’est à tort que l’administration a refusé de 
reconnaître comme imputable au service le suicide de Nelly Bardaine. »

Alors qu’une quarantaine de policiers se suicident chaque année, c’est la deuxième fois à notre connaissance que la justice reconnaît leur caractère professionnel. Signe d’une évolution, ces deux reconnaissances ont eu lieu en 2014. Le 21 mai 2014, après dix ans de combat, le tribunal administratif de Poitiers avait ainsi donné raison à la femme et la fille d’un brigadier de police, décédé le 15 juillet 2004.

Nelly Bardaine, âgée de 39 ans, s’est tuée avec son arme de service le 4 juillet 2011, dans une voiture de police qu'elle avait pris soin de garer en zone gendarmerie. La jeune femme a laissé une lettre sans équivoque, écrite à la va-vite sur un papier à en-tête du commissariat : « Marre de monde con qui marche a l'envers où les autres sont assistés pour être surs d’être relaxes, les flics sont fliqués. Marre monde qui ne fonctionne plus qu’aux stats alors que ceux qui les demandent ne savent pas a quoi elles correspondent !! Encore merci à M. G. (son chef de service commissaire - ndlr) pour cette promotion-punition. moi comme ça que je le ressens. »

La jeune femme travaillait au service de l’identité judiciaire où « elle était considérée comme excellente », rappelle le tribunal administratif dans sa décision. Elle avait été affectée en mars 2011 contre son gré et pendant ses congés dans un autre service, « ce qu’elle a vécu comme une punition ». Le commissaire de Cagnes-sur-Mer lui avait fait miroiter à plusieurs reprises une réintégration, sans donner suite. « Cette situation était très mal vécue par la défunte, plusieurs de ses collègues l’ayant vu se plaindre de cette situation et l’ayant vu pleurer », indique le tribunal.

Comme l’avait révélé Mediapart, le commissaire de Cagnes-sur-Mer avait déjà été mis en cause par un de ses anciens subordonnés, sur un précédent poste au Brésil. Ce qui n'avait pas empêché le ministère de l'intérieur de l’exfiltrer et de le placer en août 2009 à la tête des 140 policiers de cette circonscription des Alpes-Maritimes. Les juges ont donc condamné l’État à indemniser son compagnon Franck Magaud, également policier, à hauteur de 30 000 euros, ses parents à hauteur de 20 000 euros chacun et son frère à hauteur de 10 000 euros. L’administration, qui n’avait pas répondu à leur demande de reconnaissance du caractère professionnel du suicide, n’a pas cherché à se défendre devant le tribunal administratif. Aucun représentant du ministère de l’intérieur n’était présent à l’audience le 19 septembre 2014. L'Etat dispose de deux mois pour faire appel.

« Nous sommes satisfaits que l'administration soit reconnue coupable de son ingérence dans le placement de ce commissaire au commissariat de Cagnes-sur-Mer, réagit Franck Magaud. Mais notre demande portait aussi sur ce chef de service qui n'a pas été inquiété plus que cela à l'issue de la procédure (il a été muté à Toulouse - ndlr). Il a même passé son grade de commissaire divisionnaire en 2013. » La plainte contre X... pour « harcèlement moral »,  «conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine » et « homicide involontaire », déposée par Me Adrien Verrier l'avocat de la famille en septembre 2011, avait en effet été rapidement classée sans suite par le parquet.

Seuls deux cas de suicide ont été reconnus par le ministère de l’intérieur lui-même comme imputables au service, celui d’un commissaire qui s’est tué en 2008 après avoir revêtu son uniforme et celui plus récent d'un major d'une cinquantaine d'années qui s'est suicidé en 2013 à Brest. La fin d'un tabou ? Alerté sur ce problème, le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve s'est récemment rendu au commissariat de Bergerac afin de rencontrer les collègues d'un adjoint de sécurité de 20 ans qui a mis fin à ses jours. « C'est une question délicate, qui implique beaucoup de finesse, des dialogues avec les représentants des personnels, un travail sur le management, un renforcement des conditions d'accompagnement social des policiers en difficulté, a-t-il déclaré selon Sud-Ouest.  Il y a un travail en cours. »

Dans le Val-d'Oise, après le suicide de deux policiers le 17 septembre 2014 avec leur arme de service (utilisée dans deux tiers des cas), la directrice départementale de la sécurité publique (DDSP) a ainsi demandé à titre provisoire aux troupes de police de déposer leurs armes en quittant leur service. Un pis-aller, ont dénoncé plusieurs syndicats de police.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Je casse, tu paies


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