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La nouvelle génération de l'UMP ne veut plus « courir après le FN »

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De notre envoyée spéciale à Nice (Alpes-Maritimes). Il aura fallu un sondage plaçant Marine Le Pen en tête au premier tour de la présidentielle de 2017 pour que l’UMP s’inquiète de nouveau du Front national. Ou plus précisément, pour qu’une partie de ses responsables se décide à refaire du FN un adversaire dont les « idées pernicieuses » – pour reprendre les mots tenus samedi 6 septembre par Alain Juppé au campus de La Baule (Loire-Atlantique) – devraient être attaquées par la droite, au lieu d'être récupérées.

Après deux années de quasi-mutisme sur le sujet, certains ténors de l’opposition se démarquent aujourd’hui du Nicolas Sarkozy de 2012 – celui qui avait jugé que Marine Le Pen était « compatible avec la République » – pour reconsidérer le Front national non pas comme un parti à écouter, mais bien comme « un problème pour la France », comme l’a défini ce week-end le député de l’Oise et ancien ministre, Éric Woerth.

À Nice, où les listes frontistes ont remporté davantage de sièges aux dernières municipales que celles des socialistes, le parti de Marine Le Pen est un sujet de conversation permanent depuis trente ans. Les différentes interventions qui ont émaillé le campus des jeunes populaires, organisé par le député et maire Christian Estrosi ces 6 et 7 septembre, n’ont pas échappé à la règle. Certes, à la tribune, l’adversaire n°1 de l’UMP est resté officiellement François Hollande. Mais dans les rangs très clairsemés du Théâtre de Verdure, nombreux étaient ceux à juger le président « déjà hors course ».

Jean Rottner, Nadine Morano, Jean-Pierre Raffarin, Christian Estrosi et Roger Karoutchi, au campus de Nice le 7 septembre.Jean Rottner, Nadine Morano, Jean-Pierre Raffarin, Christian Estrosi et Roger Karoutchi, au campus de Nice le 7 septembre. © ES

« Notre ennemi n’est plus le parti socialiste pour la simple et bonne raison qu’il n’y a plus de gauche française », résumait ainsi dimanche matin le jeune député et maire de Tourcoing, Gérald Darmanin, pour qui le départ de Jean-François Copé de la présidence de l’UMP n’est pas étranger à cette nouvelle prise de conscience du danger FN. « Le fait qu’il ne soit plus là, cela aide à reparler du FN », confie à Mediapart ce proche de Xavier Bertrand.

À l’en croire, la ligne “pain au chocolat” tenue depuis la défaite de 2012 ayant été écartée au mois de juin par le scandale Bygmalion, l’UMP peut désormais « redevenir ce qu’elle était » avant le discours de Grenoble, la stratégie Buisson et les polémiques sur la prétendue “théorie du genre”. Une façon de se décomplexer de “la droite décomplexée”, en somme.

Pour comprendre quel rapport la nouvelle génération de l’UMP entretient avec le Front national, Mediapart a rencontré plusieurs jeunes élus ou représentants des “jeunes pop”. Tous sont entrés en politique dans les années 2000 grâce à Nicolas Sarkozy. Et beaucoup regrettent la drague poussée avec les idées frontistes amorcée durant le mandat de ce dernier. Pourtant, la plupart d’entre eux continuent à soutenir l'ancien président dans ses velléités de retour. À une condition toutefois : qu'il enterre définitivement sa stratégie de droitisation.

Bataille de stands au campus de Nice.Bataille de stands au campus de Nice. © ES

Ils sont venus à Nice pour participer à des débats sur le gaullisme, le logement ou encore la croissance. Pour remettre la machine à idées de l'opposition en route. Ils ont applaudi à tout rompre lorsque Laurent Wauquiez a déclaré vouloir revenir sur le mariage pour tous. Et ils ont réservé le même accueil à Bruno Le Maire deux minutes plus tard lorsque celui-ci a indiqué l’inverse. La clarté et la compréhension n'étaient pas forcément au rendez-vous.

Malgré cela, les “jeunes pop” interrogés pas Mediapart étaient tous ravis de « se retrouver en famille ». Et qu’importe si le campus niçois a suscité peu d’enthousiasme – le week-end n’a réuni que 180 personnes au plus fort de la journée de dimanche et ce, malgré la puissance de la fédération des Alpes-Maritimes –, l'essentiel pour eux était de montrer qu'ils étaient présents. Lire leurs témoignages page suivante.

Table ronde “Comment rétablir l'autorité de l'État ?", au campus de Nice le 6 septembre, en fin de matinée.Table ronde “Comment rétablir l'autorité de l'État ?", au campus de Nice le 6 septembre, en fin de matinée. © ES
  • Alexandre Vesperini, 27 ans. Sur Twitter : « Conseiller de Paris, conseiller du 6e délégué à l'environnement et au développement durable, secrétaire national de l'UMP. Sinon j'aime bien Barry White »
Alexandre Vesperini.Alexandre Vesperini. © ES

Si le seul objectif de l’UMP, c’est de contenir le Front national, ce n’est pas la peine. Et si on continue à dire qu’on fera comme eux, ils ne cesseront de monter. Dans tous les cas, le vrai problème de la France, ce n’est pas le FN, mais l’abstention. C’est là que notre vivier se trouve. La Droite forte – courant droitier de l’UMP codirigé par Geoffroy Didier et Guillaume Peltier, ndlr – considère que la priorité est de reprendre les dix points qui nous séparent de Le Pen, mais c’est faux !

Bien sûr que certains de nos électeurs sont partis au FN. Non pas parce qu’ils étaient racistes, mais parce que nous avons été nous-mêmes “grands diseux et petits faiseux” sur des sujets aussi sensibles que l’immigration ou l’identité. Nous n’avons pas besoin de Buisson pour engager de grandes réformes et, surtout, pour s’y tenir. Nous pouvons appliquer une politique sécuritaire sans faire de l’esbroufe maurrassienne.

Rien ne sert d’électriser les gens. On ne gouverne pas un pays en désignant des boucs émissaires. D’ailleurs à l’UMP, ça n’a pas marché. Nous devons retrouver ce qu’avait fait Nicolas Sarkozy en 2007, tout en renouvelant notre discours. Car le grand défi du futur président de notre parti sera de se distinguer de la politique du Front national, mais aussi de celle du gouvernement de Valls qui chasse sur nos terres. Avant toute chose, l'UMP doit commencer par se détendre.

  • Marine Brenier, 28 ans. Sur Twitter : « Adjoint au Maire #territoire @VilledeNice #Nice06 #metropoleNCA - Responsable @JeunesPop06 Délégué national @jeunesump - @cestrosi @ump – juriste »
Marine Brenier.Marine Brenier. © ES

Dans les Alpes-Maritimes, cela fait trente ans que nous entendons parler du Front national. Nous savions ce que c’était bien avant tout le monde et nous nous doutions qu’avec leurs idées démagos, ils finiraient par toucher le public. Je suis très contente que l’UMP parle de nouveau du FN. La ligne Buisson a été la grande erreur de Nicolas Sarkozy. L’avenir de la droite est au centre.

Depuis deux ans, nous étions dans une phase de reconstruction qui nous a rendus inaudibles. Nous n’avons porté aucune voix d’opposition. Aujourd’hui, je ne suis pas certaine que la meilleure façon de combattre le Front national soit de parler d’immigration. Nous devons laisser les marottes du FN au FN. D’ailleurs, dans la liste des tables rondes que nous avons proposées aux “jeunes pop” pour le campus de Nice, pas un seul sujet sur l’immigration ou la sécurité n’a été retenu…

En revanche, c’est intéressant d'écouter les élus frontistes. À Nice, le FN est entré au conseil municipal en mars dernier. Quand on entend Marie-Christine Arnautu (tête de liste du “Rassemblement Bleu Marine” aux dernières élections, ndlr), ça fait peur. Ce qu’elle dit n’a pas de sens.

  • Stéphane Tiki, 26 ans. Sur Twitter : « Auto entrepreneur, Secrétaire National de l'UMP, Délégué National des Jeunes UMP »
Stéphane Tiki.Stéphane Tiki. © ES

Le Front national vit sur les problèmes des Français. Alors quand un problème est réglé, cela fait une solution et des points en moins pour Marine Le Pen. Imaginer que le FN puisse être au second tour de la présidentielle, c’est choquant et en même temps, cela nous permet d’ouvrir les yeux, de prendre le temps d’expliquer que ce parti n’a pas changé malgré les apparences.

L’UMP n’a jamais couru après le Front national. À Grenoble en 2010, c’était important que Nicolas Sarkozy tienne un discours fort à ce moment-là. Il faut arrêter de laisser des sujets au FN. Parler de sécurité et d’immigration n’empêche pas de parler du reste. Nous ne sommes pas allés assez loin lors du dernier quinquennat. Désormais, l’UMP doit se concentrer sur une seule chose : elle-même. Et arrêter de se cacher.

  • Damien Abad, 34 ans. Sur Twitter : « Député de l'Ain - Conseiller régional Rhône-Alpes - Ancien député européen »
Damien Abad.Damien Abad. © ES

Donner un coup de barre à droite ou un coup de barre au centre est dans tous les cas une mauvaise stratégie. Notre système politique est au bout du rouleau, il a besoin d’être réformé en profondeur. La meilleure façon de reconquérir des électeurs, c’est de faire du terrain. La droite doit défendre ses idées, mais la droitisation ne rapportera pas une voix du Front national.

Nous avons déjà fait des erreurs avec ce parti dans le passé et nous avons pu constater que cela ne marchait pas. Répéter, comme nous le faisons depuis des années, que voter à gauche, c’est voter FN, ça ne sert à rien. Le seul moyen de restaurer de la crédibilité, c’est le renouveau.

Je soutiens la candidature de Bruno Le Maire, mais je n’oublie pas que c’est Nicolas Sarkozy qui m’a amené à l’UMP. Il a bousculé la droite en bien et en mal. S’il revient, il faudra tirer le bon de son expérience et éviter les crispations. Nous devons être clairs sur nos convictions, tout en restant ouverts d’esprit. Notre ennemi n°1, c’est nous-mêmes.

Les responsables politiques ne doivent pas s’abaisser à aller tout le temps dans le sens de ce que les gens pensent. Je reconnais que ce n’est pas facile, mais la facilité ne paye à personne. Il y a des lignes rouges à ne plus franchir. Nous devons par contre investir d’autres sujets : le thème du progrès, par exemple. J’aimerais que ce soit un thème clivant pour la gauche et la droite en 2017.

  • Christelle d’Intorni, 29 ans. Maire de Rimplas (Alpes-Maritimes), avocate
Christelle d'Intorni.Christelle d'Intorni. © ES

Le souci ne vient pas du Front national, mais de notre famille politique. Quand nous aurons résolu nos problèmes, nous serons capables de combattre tout le monde. L’UMP doit réaffirmer les valeurs du gaullisme, refondre le parti et laisser la place à la jeunesse. Le vote FN est encore un vote sanction, parce que les gens en ont marre. Mais je suis certaine qu’il ne se fait pas sur les idées que Marine Le Pen défend.

Les personnes que je rencontre estiment que l’UMP ne fait pas une politique de droite et qu’elle ne tient pas ses promesses. Ce qui manque à notre famille politique, c’est la proximité, la possibilité d’expliquer, comme je le fais dans ma petite commune, ce que sont vraiment nos idées. Les électeurs de droite ont mal vécu la fin du mandat de Nicolas Sarkozy et tout ce qui a suivi, mais ce n’est pas trop tard. Nous devons les raisonner pour qu’ils ne votent pas FN et leur rappeler que le seul intérêt qui prime, c’est celui de la France.

  • Rudolph Granier, 35 ans. Sur Twitter : « Ici pour moi, Patron des jeunes gaullistes à l'@ujpfrance, Supporter #rugby pour @ASMOfficiel et @SFParisRugby. Elu parisien 75020 »
Rudolph Granier.Rudolph Granier. © ES

Pour les militants de la droite républicaine, le mélange entre droite et extrême droite n’a pas de sens. En 2010, nous avons franchi certains caps… Nous sommes allés trop loin. Nous avons manipulé des peurs, sur les frontières, sur les étrangers, et cela nous a fait perdre. Quand la droite n’est plus la droite, c’est le FN qui monte.

La meilleure façon de lutter contre le Front national, c’est de cesser de parler comme eux. Alors oui, c’est plus compliqué d’expliquer que l’espace Schengen n’est pas qu’un gruyère plutôt que de jeter l’anathème sur telle ou telle population... Le discours dont les Français ont besoin est un discours gaulliste. Nous devons revenir à des choses plus primaires.

Ce que nous allons demander aux militants en novembre prochain, c’est de faire le choix de l’intelligence et de la responsabilité pour élire notre futur président. En 2017, le candidat de l’UMP devra être dans la synthèse et non pas dans le calcul d’appareil. En attendant, je m’engage à publier en mars prochain un bilan post-municipales : “FN, année 1.” Pour montrer en quoi notre parti se distingue de celui de Marine Le Pen, ne serait-ce que dans l’exercice du pouvoir.

  • Aurore Bergé, 26 ans. Sur Twitter : « Conseillère politique @ump - Chef de file de l'opposition #Magny78 - Conseillère communautaire @sqy // Combattante #AlterEgales // Consultante senior @spintank »
Aurore Bergé.Aurore Bergé. © ES

La “chance” que nous avons, c’est que le Front national dirige désormais un certain nombre de villes. Nous allons pouvoir mettre en place une sorte d’observatoire pour montrer ce qu’est, concrètement, un élu d’extrême droite, mettre en lumière la ligne de fracture très forte qui existe entre eux et nous, et prouver qu’ils ne sont pas au niveau.

Notre espace se trouve au centre. Il y a eu un virage en 2010 avec le discours de Grenoble. L’UMP a voulu faire du racolage vers les électeurs du FN. Cela a été un double échec : l’absence d’actes nous a fait perdre les électeurs frontistes et le discours, les électeurs du centre. Ensuite, pas peur de déplaire, nous avons été incapables de faire notre bilan. Quant au reste, nous étions inaudibles.

Nous avons par exemple été très mauvais sur le mariage pour tous. Dire aujourd’hui que nous reviendrons dessus est un énième mensonge. Nous risquons à nouveau de décevoir… L’UMP doit se démarquer par de nouvelles propositions. Qu’on arrête avec l’immigration et la sécurité ! Sur le terrain, au quotidien, les gens ne parlent pas de cela. Ils nous disent simplement qu’ils veulent respirer.

Les ténors persistent à croire que le noyau dur du parti est droitier, mais je suis convaincue que le courant de la Droite forte ne gagne pas sur le fond de ses propositions qui sont farfelues, mais parce qu’il se présente comme le premier soutien de Nicolas Sarkozy. Or, c'est loin d’être le seul...

  • Jonas Haddad, 26 ans. Sur Twitter : « Adjoint au maire de Bernay | Co-auteur de Droite 2.0 (L'Harmattan) | Secrétaire national de l'UMP (à l'entrepreneuriat) | Délégué national des Jeunes Populaires »
Jonas Haddad.Jonas Haddad. © ES

Je distingue trois jeunesses aujourd’hui : celle des quartiers populaires où le communautarisme est en train de s’installer ; celle des zones péri-urbaines, poumon du Front national au niveau des jeunes ; et celle des quartiers plus aisés qui ne croit plus en la France et qui la quitte. Pour reconquérir les jeunes de la deuxième catégorie, il faut leur parler. Et cela commence par des visites dans des lycées professionnels ou agricoles.

Il faut également parler aux jeunes qui n’ont pas d’emploi. Avant, la droite leur disait : “Vous n’avez pas d’emploi, mais vous êtes jeunes, vous allez vous démerder.” Désormais, elle doit changer de discours et valoriser l’entreprenariat. Nous devons insister sur un message positif et ne pas aller dans leur sens en leur disant que le seul problème, c’est l’immigration. Ce sont des milieux qui attendent qu’on les bouscule. Nous n’allons pas courir après les idées du FN, nous allons courir après les problèmes des gens, c’est différent.

Je ne suis pas d’accord quand Alain Juppé dit que les idées du FN sont pernicieuses. C’est une erreur de prendre ce parti comme un ensemble. Nous devons territorialiser les solutions. Marine Le Pen a structuré un réseau local, ce que n’avait pas fait son père, et cela lui a réussi. Pour autant, les gens attendent que nous affirmions nos convictions, pas que nous fassions du FN light. Les doubler sur leur droite serait inutile.

BOITE NOIRESauf mention contraire, toutes les personnes interrogées dans cet article ont été rencontrées les 6 et 7 septembre, au campus UMP de Nice.

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