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Une centaine de parlementaires ont gagné 6 millions d'euros dans le privé en 2013

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C'est l'un des enseignements de la toute première opération de transparence à laquelle se sont soumis les 925 parlementaires français (348 sénateurs et 577 députés) : d'après un décompte de Mediapart, 124 parlementaires ont perçu 6,1 millions d'euros dans le secteur privé en 2013. Plus d'un dixième des parlementaires français sont donc concernés. Ce décompte provient du calcul de l'ensemble des montants versés hors mandats électifs (député, maire, conseiller général ou régional, président d'un établissement public de coopération intercommunale).

Une trentaine d'entre eux, qui déclarent gagner plus de 60 000 euros par an dans le privé, perçoivent plus de revenus issus du privé que d'indemnités parlementaires (5 108,27€ mensuels net). Ces revenus sont très inégalement répartis selon les élus. Une quinzaine de parlementaires perçoivent ainsi, à eux seuls, la moitié des 6 millions d'euros évoqués, ce qui prouve que l'argent du privé, sans être marginal, est loin de concerner l'ensemble des deux hémicycles. Il n'en demeure pas moins que ce constat peut aujourd'hui intriguer quant aux situations de conflit d'intérêts dans lesquelles les parlementaires concernés peuvent se retrouver.

Plus du dixième des parlementaires déclarent occuper un ou plusieurs emplois en plus de leurs mandats. Parmi eux : 32 avocats, 30 enseignants, 17 dirigeants d'entreprise, 13 médecins, 13 agriculteurs et… 17 retraités. Cela ne prend néanmoins pas en compte les chargés de cours ponctuels tels que le député-maire de Tourcoing Gérald Darmanin (UMP), qui n'hésite pas à préciser avoir donné huit heures de cours « à titre gratuit » à l'université Lille-2.

Malgré tout, si une partie des parlementaires touche des sommes importantes dans le privé, la plupart se contentent de leurs indemnités. Le cumul des mandats est, en revanche, lui, majoritaire. À l'Assemblée nationale, ils sont plus de 200 députés sur 577 à exercer un mandat de maire et plus de la moitié des députés cumulent leur activité avec un mandat local. Dans les deux graphiques ci-dessous, nous distinguons le cumul des mandats exécutifs (maire, président et vice-président des conseils généraux et régionaux) et le cumul concernant tous les mandats locaux (adjoints au maire, membres de commissions locales...).

Plus marginal, une poignée d'élus indique avoir perdu de l'argent en 2013. Ils sont environ une quinzaine à enregistrer des déficits pour maintenir leur profession libérale à flot, comme le chirurgien-dentiste et député Éric Jalton (PS), l'avocat Claude Goasguen (UMP) ou encore le sénateur Claude Dilain (PS), qui a souhaité garder son cabinet de pédiatrie. « Je me suis battu pour être pédiatre, dit-il, et vu que j'ai été élu avec 200 voix d'avance, je ne savais pas si j'allais pouvoir poursuivre en tant que parlementaire. Du coup pendant des années, mon chiffre d'affaires a alterné entre 5 000 euros de bénéfice et 5 000 euros de déficit. »  

Le palmarès des parlementaires les mieux payés dans le privé permet de se rendre compte des sommets que les rémunérations de nos parlementaires peuvent atteindre :

  • En première place, le sénateur du Tarn-et-Garonne Jean-Michel Baylet (PRG) a empoché en 2013 la somme de 670 880 euros en tant que président du groupe de presse Dépêche du Midi, du journal Midi Olympique, de La Nouvelle République des Pyrénées, ainsi qu'en tant que dirigeant de la SAS Occitane de communication.
     
  • Capture d'écran du site web de l'entreprise CityaCapture d'écran du site web de l'entreprise Citya
    En numéro 2 figure le député de la cinquième circonscription d'Indre-et-Loire, Philippe Briand (UMP), également 387e fortune de France selon le magazine Challenges. En tant que chef d'entreprise de la société SAS Arche, ce dernier a gagné 101 643 euros en 2013. L'ex-trésorier de Nicolas Sarkozy en 2012 prend aussi le soin d'inscrire ses dividendes, qui se sont élevés à 361 200 euros. Fondateur du réseau d’administrateurs de biens Citya immobilier (le n° 3 en France), le député Briand est un homme richissime. Sa participation financière directe dans la holding baptisée Arche SAS est évaluée à 120 000 000 euros, d’après les éléments fournis à la HATVP.
     
  • Le député du Var Jean-Sébastien Vialatte (UMP) est en troisième position. Ce biologiste de formation n'a que modérément apprécié que nous l'appelions à son laboratoire d'analyses médicales de Six-Fours-les-Plages, près de Toulon, pour qu'il nous fournisse sa rémunération de 2013 : « Vous trouvez ça normal que l'on doive donner nos rémunérations ! » a-t-il répondu avant d'affirmer vouloir « faire la même chose avec les salaires des journalistes qui dépendent des aides publiques ». D'un commun accord, nous avons inscrit en 2013 la somme qu'il a perçue en 2012, soit le plus faible revenu de ces cinq dernières années. « Les laboratoires d'analyses médicales sont en crise », a-t-il précisé.

L'accueil de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a été contrasté chez les parlementaires. Certains s'y sont pliés sans ciller quand d'autres ont contesté l'étalage de leurs revenus sur la place publique. Questionnée sur sa déclaration d'intérêts, l'avocate au barreau de Bayonne et députée PS des Pyrénées-Atlantiques, Colette Capdevielle, estime que cette vaste opération de transparence permet de « mieux connaître la sociologie des députés ». 

Le député de l'Isère Alain Moyne-Bressand (UMP) voit également la publication de ses revenus comme une chose naturelle : « Je n'ai rien à cacher donc ça ne me dérange pas. Je viens d'un milieu modeste et j'ai créé mon entreprise en toute transparence. » Ce dernier va même plus loin : « J'aimerais que les hauts fonctionnaires fassent de même, il n'y a pas de raison que l'on ne cible que les parlementaires. »

Hélas, la lecture des déclarations d'intérêts manuscrites reste chose complexe, voire énigmatique. Il faut parfois passer par plusieurs interlocuteurs avant d'obtenir une clarification. Concernant par exemple le député Christian Assaf (PS), nous avons dû contacter l'Office de tourisme de Montpellier pour en savoir plus sur son ancien poste de chargé de mission, rémunéré 3 500 euros par mois. À l'accueil, on nous a affirmé que ce dernier travaillait toujours à l'Office de tourisme et que « jusqu'à preuve du contraire », il recevait toujours un salaire. Mais le maire de la ville, Philippe Saurel, nous a affirmé qu'il s'agissait « d'un ancien recyclage politique » et que le député ne travaillait plus pour l'Office... « À ma prise de fonctions, je me suis aperçu que beaucoup de gens ont obtenu des emplois de complaisance », a-t-il déclaré à Mediapart. Finalement, Christian Assaf nous a rappelé pour nous expliquer qu'il ne travaille plus à l'Office de tourisme et qu'il a bien rempli sa mission pour « faire passer l'Office de tourisme de Montpellier en Office de tourisme d’agglomération ». « J’avais rendu une pré-étude avec les éléments juridiques comparatifs permettant de décider du meilleur statut à adopter pour l'Office de tourisme », explique-t-il.

Concernant les droits d'auteur, 18 députés annoncent dans leur déclaration en avoir perçu ces cinq dernières années. Parmi eux, Bernard Accoyer (UMP), Gilbert Collard (FN) ou encore Jean-François Copé (UMP). À ce sujet, la déclaration du député Jean-Christophe Cambadélis (PS) questionne. Alors que ce dernier a publié quatre livres ces cinq dernières années (Dis-moi où sont les fleurs : essai sur la politique étrangère de Nicolas Sarkozy et L'Encyclopédie du socialisme en 2010, La Troisième Gauche en 2012 et L'Europe sous menace national-populiste en 2014), il ne déclare avoir perçu aucun droit d'auteur. Même chose pour l'écologiste Cécile Duflot, co-auteure des livres Apartés (février 2010) et Des écologistes en politique (mars 2011).  

Malgré les oublis et la complexité de lecture qui compromet en partie la visibilité du public sur d'éventuels conflits d'intérêts, « les parlementaires semblent avoir globalement joué le jeu », écrit l'association Regards citoyens qui a mobilisé plus de 8 000 personnes pour numériser les déclarations manuscrites (lire notre Boîte noire). La quasi-totalité des parlementaires (99 %) a par exemple renseigné le champ sur les collaborateurs parlementaires. Mais « malgré la forte mobilisation autour de ce projet, les données désormais disponibles en open data sont encore largement améliorables », explique l'association.

BOITE NOIRELa Haute autorité pour la transparence de la vie publique a mis en ligne sur son site web l'intégralité des déclarations d'intérêts et d'activités des parlementaires. À l'aide de l'association Regards citoyens, qui a sollicité la participation de 8 000 personnes pour numériser les déclarations manuscrites, nous avons pu calculer l'ensemble des revenus (bruts et nets mélangés) hors mandats électifs des parlementaires. Les 6,117 millions d'euros que nous avons calculés constituent un minimum car nous n'avons pas pu indiquer tous les montants présents dans les déclarations. D'une part, du fait de la complexité de la démarche qui consiste à vérifier une par une les 925 déclarations. D'autre part, parce que nous avons décidé de n'inscrire que les revenus pour lesquels nous étions sûrs qu'ils avaient été perçus en 2013. Un certain nombre de parlementaires n'ont en effet rempli leur déclaration que jusqu'à 2012. Nous avons donc préféré ne rien inscrire à leur nom, ou inscrire une estimation minimale ayant pu être perçue en 2013 après les avoir consultés. 

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