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Scandale Tapie: Rocchi démissionne, Richard en sursis

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Mis en examen mercredi 12 juin dans la soirée pour « escroquerie en bande organisée » et « usage abusif de pouvoirs sociaux », dans l’enquête judiciaire sur le scandale Tapie, Jean-François Rocchi va présenter dans la journée sa démission du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), le grand établissement public dont il assurait la présidence. C’est ce que Mediapart a appris auprès d’une très bonne source au ministère des finances. Cette annonce, dès qu’elle sera publique, va placer le gouvernement dans l’embarras, car par un effet ricochet il devra décider s'il se prononce ou non en faveur d’une mise à l’écart de Stéphane Richard de la présidence de France Télécom-Orange.

Jean-François RocchiJean-François Rocchi

Cette démission imminente de Jean-François Rocchi n’est pas une surprise car il est l’un des acteurs clés du scandale Tapie. Porté en 2006 à la présidence du Consortium de réalisation (CDR – la structure publique de défaisance où ont été cantonnés en 1995 les actifs douteux de l’ex-Crédit lyonnais) –, il a toujours été très proche de Claude Guéant, un ancien préfet comme lui. Et il a donc joué un rôle majeur dans l’organisation de l’arbitrage, sur lequel pèse un grave soupçon de fraude. Notamment, le rapport de la Cour des comptes qui a été mis au jour par Mediapart révèle que le procès-verbal du CDR décidant d’aller à l’arbitrage aurait pu être contrefait. Et c’est Jean-François Rocchi qui aurait pu être à l’origine de ce faux. D’où cette mise en examen avec une incrimination infamante et encore plus lourde que pour l’arbitre Pierre Estoup ou Stéphane Richard.

Or, à la suite de l’arbitrage controversé, Jean-François Rocchi a visiblement été remercié (lire Affaire Tapie : remercié pour services rendus). Alors que le CDR entrait en extinction et était placé sous la tutelle de la Caisse des dépôts, le haut fonctionnaire a été nommé par décret du 25 novembre 2009, pris en conseil des ministres, à la présidence du BRGM. Le décret (on peut le consulter ici) présente d’ailleurs une singularité qui mérite d’être relevée : il est notamment signé par le ministre de l’écologie de l'époque, un certain… Jean-Louis Borloo, qui est lui aussi mis en cause dans le lancement de l’arbitrage. À l’époque de ce décret, on a même beaucoup dit que la ministre de la recherche, Valérie Pécresse, était très opposée à cette nomination de Jean-François Rocchi au BRGM et que c’est Jean-Louis Borloo qui a fait le forcing.

Le 8 novembre 2011, Nicolas Sarkozy a, par ailleurs, pris un autre décret reconduisant le même Jean-François Rocchi dans une autre fonction : « Par décret du Président de la République en date du 8 novembre 2011, M. Jean-François Rocchi est nommé président de l'établissement de retraite additionnelle de la fonction publique. » Cet établissement, l'Erafp, a été créé en 2003, à la suite de la réforme des retraites (voir son site Internet). C'est un organisme hybride. Disposant d'un statut d'établissement public et placé sous la tutelle de la Caisse des dépôts, c'est une sorte de fonds de pension pour la fonction publique, qui gère les compléments de retraite des agents publics générés par les primes qu'ils reçoivent pendant leur carrière. Peu connu du grand public, l'organisme est pourtant important puisqu'il brasse de grosses sommes d'argent, grâce à ses 4,6 millions de cotisants, comme Jean-François Rocchi l'explique lui-même dans la vidéo ci-contre.

Longtemps protégé, au point d’être cumulard et d’occuper deux fonctions dans l’orbite de l’État, Jean-François Rocchi est ainsi le premier à être emporté par le scandale Tapie.

Par ricochet, sa démission va effectivement embarrasser fortement le gouvernement. Car hormis Arnaud Montebourg qui avait suggéré à l’avance que Stéphane Richard devrait être mis à l’écart d’Orange en cas de mise en examen – avant de dire qu’il n’avait rien déclaré de tel –, le gouvernement s’est montré expert en prudence et louvoiement. Comme si, sur une question aussi grave, touchant à l’éthique, il était incapable de prendre une position claire, sans que les événements ne lui forcent la main. Mercredi, le ministère des finances a en effet publié un communiqué de presse pour le moins obscur – un modèle de langue de bois : « Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, prend acte de la décision des magistrats instructeurs chargés du volet non-ministériel du dossier de l'arbitrage Tapie de mettre en examen M. Stéphane Richard. L'appréciation des incidences possibles de cette décision sur la situation de M. Stéphane Richard au sein du groupe Orange va désormais incomber au conseil d'administration de la société, qu'il est nécessaire de convoquer dans les meilleurs délais. Les représentants de l'État au conseil d'administration se détermineront par rapport au seul intérêt de l'entreprise. »

Ah bon ! Mais quels sont les intérêts de l’entreprise ? Et l’État, qui est le principal actionnaire avec 27 % du capital, n’a-t-il pas des valeurs supérieures à faire valoir ? En clair, est-il inconcevable de penser que la jurisprudence Bérégovoy-Balladur, qui veut qu’un ministre mis en examen se déporte, soit aussi valable pour le patron d’une entreprise où l’État est prédominant ? Et, au-delà des questions éthiques, Stéphane Richard sera-t-il toujours à même de piloter une entreprise aussi gigantesque, alors qu’il va devoir passer une partie de son temps à assurer sa défense personnelle ?

En réalité, la prochaine démission de Jean-François Rocchi risque de tout accélérer. Et dans un effet de contagion, elle va instaurer une pression encore plus forte sur Stéphane Richard pour qu’il fasse de même ou pour que l'État l'y invite. Mais, dans cette hypothèse, l’effet de contagion risque de ne pas en rester là. Car si Stéphane Richard devait démissionner, à son initiative ou sur pression du gouvernement, une autre question surgirait alors : pourquoi Pierre Moscovici a assuré par avance la patronne du FMI, Christine Lagarde, du soutien de la France, même dans l'hypothèse d'une possible mise en examen ? N’a-t-il pas commis une faute majeure, car si Stéphane Richard devait être emporté par le scandale pourquoi celle dont il était le directeur de cabinet profiterait-elle d'un régime de faveur ?

En réalité, on le mesure de jour en jour, le scandale Tapie va fonctionner comme un immense tremblement de terre. Avec, de jour en jour, de nouvelles répliques…

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Bons films


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